Le discours prononcé par Stephen Harper après sa victoire aux élections du 2 mai illustre bien l'énorme défi qui attend le Parti libéral du Canada au cours des prochaines années. L'homme qui venait d'atteindre l'objectif de toute une carrière a tendu la main à tous ceux qui n'avaient pas voté pour lui en leur promettant d'être aussi leur premier ministre.  

Le discours prononcé par Stephen Harper après sa victoire aux élections du 2 mai illustre bien l'énorme défi qui attend le Parti libéral du Canada au cours des prochaines années. L'homme qui venait d'atteindre l'objectif de toute une carrière a tendu la main à tous ceux qui n'avaient pas voté pour lui en leur promettant d'être aussi leur premier ministre.  

M. Harper ne surprendra personne en mettant en oeuvre les éléments déjà connus de sa plateforme électorale, mais pour le reste, il aura en tête de conquérir une frange importante du centre de l'échiquier politique et de séduire les Québécois qui pourraient être déçus de leur flirt avec le NPD.

Dans un cas comme dans l'autre, il sera difficile au Parti libéral de contrer l'offensive conservatrice. Ayant rejeté l'idée d'une entente de coopération préélectorale avec le NPD, le Parti libéral s'est engagé au cours de la dernière élection dans une chasse à l'électeur traditionnel du NPD. La plateforme électorale qui a résulté de cette décision stratégique a contribué à gommer les différences perçues entre les deux partis.  

Lorsque la compétition a commencé à jouer en faveur des néo-démocrates plutôt qu'en faveur des libéraux, Stephen Harper a eu beau jeu d'en appeler aux électeurs libéraux les moins favorables à la gauche. Visiblement, l'appel a été entendu par un grand nombre de ces électeurs, particulièrement en Ontario. Certes, personne n'avait prévu la montée du NPD, mais celle-ci est d'abord venue du Québec francophone, un front où depuis de nombreuses années, le Parti libéral était déjà en difficulté.

Cette déconnexion entre le Parti libéral du Canada et le Québec francophone s'est fondée sur trois épisodes historiques importants: la réforme constitutionnelle de 1982 sans entente avec le Québec, l'opposition à la tentative de réconciliation pilotée par Brian Mulroney à la fin des années 80 et le scandale des commandites.  

Si le Parti libéral a fait son mea culpa dans le cas des commandites, il lui est encore presque congénitalement impossible de reconnaître la moindre erreur dans les deux autres épisodes. Dans l'esprit de nombre de militants libéraux, particulièrement à l'extérieur du Québec, cela reviendrait à remettre en question l'identité même du parti hérité de Pierre Trudeau, identité fondée en grande partie sur la défense de la charte des droits et une certaine conception du multiculturalisme.

Cela mène directement au coeur des problèmes soulevés par la reconstruction du Parti libéral au lendemain de sa défaite historique.  Qu'est-ce que cela voudra dire, concrètement, d'occuper le centre de l'échiquier politique, alors que le Parti conservateur sera en mode séduction auprès des électeurs libéraux les moins à gauche et que le NPD travaillera de son côté à projeter l'image d'un parti modéré? Et à quoi se résumera l'identité du Parti libéral si la défense de l'héritage constitutionnel de 1982 et la défense sans nuance du multiculturalisme ne suscitent aucun enthousiasme au Québec francophone?

Les membres du Parti libéral du Canada ont donc beaucoup de pain sur la planche au cours des prochaines années. Maintenant que leur parti a perdu son statut d'opposition officielle et que le NPD a montré sa capacité de déloger seul le Bloc québécois, changer de chef ne suffira pas à la tâche. Le Parti libéral devra s'interroger sans le moindre tabou sur son rôle et sa mission profonde dans un Canada qui a depuis longtemps cessé de s'identifier à lui.