Si la déroute du Bloc était prévisible, son effondrement l'était beaucoup moins. On spéculait sur une députation d'une vingtaine de députés, à partir de laquelle il serait possible de le refonder, en le sortant d'une dérive stratégique prolongée. La vague orange ne laisse finalement qu'un champ de ruines.

Si la déroute du Bloc était prévisible, son effondrement l'était beaucoup moins. On spéculait sur une députation d'une vingtaine de députés, à partir de laquelle il serait possible de le refonder, en le sortant d'une dérive stratégique prolongée. La vague orange ne laisse finalement qu'un champ de ruines.

Le Bloc est partiellement responsable dans cet effondrement. On le sait, il était devenu d'abord et avant tout une formation progressiste qui posait au parti frère du NPD. Cette vision a culminé avec la coalition de 2008 ainsi qu'avec la stratégie de la dernière campagne: il s'y présentait comme le meilleur gardien du Canada progressiste. Les électeurs ont fini par préférer l'original à la copie.

Pire, le Bloc a contribué à normaliser le régime fédéral, en lui servant de lubrifiant tout en fournissant aux Québécois une police d'assurance à l'abri de laquelle ils ronronnaient confortablement. Stéphane Dion a déjà soutenu que la loi 101, remaniée par la Cour suprême, était une grande loi canadienne. Il dira probablement du Bloc, domestiqué par les Communes, qu'il a joué le rôle d'un grand parti canadien.

Le Bloc a essayé de sauver la mise en fin de campagne avec un virage souverainiste inattendu. Trop peu trop tard. Il avait depuis longtemps relativisé les fondamentaux de la question nationale. En invitant les représentants de la vieille garde souverainiste à haranguer les troupes, le souverainisme officiel virait à la caricature. Il y avait même un parfum crépusculaire de fin de régime.

La défaite du Bloc s'inscrit toutefois dans une crise plus large. Le Québec traverse une profonde crise politique résultant de l'épuisement de deux conjonctures historiques, celle de la Révolution tranquille, celle de Meech. La polarisation héritée de ces conjonctures n'est plus créatrice politiquement. Depuis une dizaine d'années, l'électorat a cherché à s'en déprendre, en soutenant successivement l'ADQ, les Lucides, les conservateurs, et plus récemment François Legault. Le NPD a prospéré sur ce malaise.

Les souverainistes ont longtemps essayé de contenir cet éclatement de l'espace politique qui leur était pourtant devenu défavorable. S'ils y exerçaient une hégémonie relative en profitant de l'alternance, leur projet stagnait et ne parvenait pas à crever le plafond du 45%. Il fallait un grand bouleversement de l'espace politique pour se déprendre de la paralysie. Il vient d'arriver. On aurait pu souhaiter qu'il prenne une autre forme.

La question nationale ne disparaît pas. Elle se reconduit même dans de nouveaux paramètres avec un NPD à majorité québécoise devenant l'opposition officielle canadienne. La contradiction Canada-Québec est toujours visible. Le «moment NPD» ouvre un nouveau contexte forçant les souverainistes à faire preuve d'imagination stratégique. Il n'est pas certain que cette nouvelle donne soit à leur désavantage.

Le PQ a une responsabilité immense. Il devra se garder d'une erreur: reconnaître dans le vote du NPD un appui à la «gauche», alors qu'il s'agit d'un vote fondamentalement protestataire. Le mouvement national est appelé à une nouvelle synthèse: revisiter les fondamentaux du nationalisme en les actualisant dans un contexte historique inédit. La tâche est énorme. Elle n'est pas impossible.