Un mois après le début des attaques aériennes sur les positions du régime de Kadhafi en Libye, aucun résultat déterminant n'est en vue et l'impasse qui se dessine sur le terrain aggrave les frictions et récriminations entre ses promoteurs.

Un mois après le début des attaques aériennes sur les positions du régime de Kadhafi en Libye, aucun résultat déterminant n'est en vue et l'impasse qui se dessine sur le terrain aggrave les frictions et récriminations entre ses promoteurs.

Plusieurs d'entre eux étaient hésitants dès le départ, pour de bonnes raisons qui s'avèrent meilleures après coup. Pour les garder dans une large coalition politique et pour s'assurer d'une absence de veto au Conseil de sécurité, la France et l'Angleterre y avaient accepté un mandat minimaliste. Celui-ci se voulait essentiellement humanitaire : empêcher la reprise des villes rebelles et le «bain de sang» que leur avait promis Kadhafi. Ses propos démentiellement provocants, plus que ses actes, ont légitimé le mandat onusien ; et son isolement dans la Ligue arabe l'a rendu politiquement possible.

Mais le mandat se gardait strictement de promouvoir un changement de régime. Paris et Londres faisaient le pari que la destruction de son aviation et de son matériel militaire lourd entraînerait son effondrement, tant son impopularité avait semblé totale.

À la veille d'une réunion du groupe de contact politique qui a réuni la semaine dernière au Qatar les représentants de 20 États, la France et l'Angleterre demandaient l'intensification des bombardements, et reprochaient à leurs partenaires de l'OTAN de ne pas en faire assez. L'OTAN, on le sait, est le maître d'oeuvre des opérations, à la demande des États-Unis qui ont choisi de réduire ensuite leur rôle et leur participation. Paris s'est vu répondre par le secrétariat général de l'OTAN que l'alliance poursuivait « vigoureusement » les opérations «dans le cadre strict d'un mandat de protection de la population» qui risquait autrement d'en être victime.

Les dirigeants rebelles basés à Benghazi blâment ouvertement l'OTAN pour les revers qu'ils ont subis, malgré les 2000 sorties aériennes et 900 frappes revendiquées par l'OTAN. À la suite de la France, seuls deux États, l'Italie et le Qatar, ont reconnu officiellement ces chefs rebelles comme autorité de transition.

Jamais l'OTAN n'a été aussi divisée. De ses 28 membres, six volontaires seulement participent directement aux attaques. Outre la France et l'Angleterre, ce sont les États-Unis, l'Italie, le Danemark, la Norvège et le Canada. C'est à un Canadien, le lieutenant général Charles Bouchard, que le commandement des opérations militaires a été confié, une primeur et une «faveur» de Washington. Au Qatar, l'Italie - qui reçoit un afflux sans cesse croissant de réfugiés - a demandé que des armements soient livrés aux rebelles. Il a essuyé un refus en raison d'un embargo décrété par le Conseil de sécurité sur les livraisons d'armes à la Libye...

Dans un déni total de réalité, Hillary Clinton déclarait lors de la réunion de l'OTAN qui a suivi celle du Qatar, que «notre détermination et notre unité ne font que croître»... En fait, l'impasse sur le terrain et l'impasse politique au sein de la coalition s'alimentent mutuellement.

On affirme dans la déclaration du Qatar que «c'est au peuple libyen de choisir son gouvernement» et que la solution est plus politique que militaire... en même temps que les leaders continuent à poursuivre la défaite de Kadhafi.

Dans une déclaration commune après la réunion de l'OTAN, Barack Obama, Nicolas Sarkozy et David Cameron affirment du même souffle que leur mandat «n'est pas de déloger Kadhafi par la force» et qu'il est «impossible d'imaginer l'avenir de la Libye avec lui». À moins de croire à une soudaine bonne volonté de Kadhafi, comment peut-on envisager que, sans défaite militaire totale, il accepte un cessez-le-feu pour négocier son départ? C'est le nouveau pari que l'on semble faire à Washington où on lui cherche un pays d'accueil...