Les campagnes électorales sont, pour les chefs de parti, de véritables tests d'endurance physique et psychique. Pour survivre, les chefs doivent se concentrer sur le chemin qui mène à la victoire et faire fi du reste.

Les campagnes électorales sont, pour les chefs de parti, de véritables tests d'endurance physique et psychique. Pour survivre, les chefs doivent se concentrer sur le chemin qui mène à la victoire et faire fi du reste.

Il existe un chemin qui peut mener Michael Ignatieff vers la victoire. Il suffit d'y croire.

Tout d'abord, il faut croire que les fuites du rapport de la vérificatrice générale sur les dépenses lors du sommet du G8 éveilleront l'intérêt de l'électorat. Le rapport a été éclipsé par les débats, mais il devrait continuer de faire son petit bonhomme de chemin et nourrir le discours libéral sur le copinage et le gaspillage chez les conservateurs.

Ensuite, il faut espérer que la réaction du public aux débats sera différente de celle des commentateurs. Les experts ont affirmé que le chef conservateur Stephen Harper était ressorti gagnant du débat en anglais de mercredi, mais les libéraux ont été stimulés par la performance plus mordante, davantage ciblée et ressemblant plus à celle d'un premier ministre qu'a livrée M. Ignatieff mercredi soir lors du débat en français. C'est l'impression qu'il doit laisser aux électeurs.

Il faut aussi souhaiter que les électeurs, que la campagne n'intéresse pas jusqu'ici, vont se réveiller au cours de la prochaine semaine, causant un retournement de situation dans les circonscriptions qui semblaient hors d'atteinte. Plusieurs de ces circonscriptions sont situées dans le sud-ouest ontarien et dans les banlieues de Toronto, mais il y en a aussi d'autres comme Outremont à Montréal, détenue en ce moment par Thomas Muclair du NPD, et Edmonton Centre, que la libérale Anne McLellan détenait jusqu'à ce que les conservateurs la lui arrachent en 2006. Ce n'est pas un hasard si M. Ignatieff se dirige vers Edmonton cette semaine.

Finalement, il faut espérer que M. Harper fasse une grosse bourde. Lors des élections précédentes, ça lui est arrivé chaque fois: en 2004, il a accusé les libéraux de s'être montrés cléments envers les prédateurs sexuels; en 2006, il a affirmé aux électeurs que la bureaucratie et la Cour suprême l'empêcheraient de mener une politique trop à droite; en 2008, il a critiqué les artistes et les institutions culturelles; en 2011... c'est encore à venir.

Il faudrait que l'ensemble de ces facteurs soient présents pour que se produise un revirement de 10 points dans les intentions de vote. Les conservateurs doivent chuter au moins jusqu'à 35%. Les libéraux doivent monter jusqu'à la même position. Ensuite, tout peut arriver.

Même s'il ne l'admet pas publiquement, M. Ignatieff sait qu'il n'a pas besoin de remporter l'élection pour devenir premier ministre. Il suffit qu'il n'en soit pas trop loin. Si le chef libéral arrive à gagner un nombre de sièges suffisant pour se trouver à une distance raisonnable des conservateurs, et qu'il obtient un bon pourcentage du vote populaire, le public pourrait accepter que les partis de l'opposition choisissent de défaire les conservateurs au moment du discours du trône, à la reprise parlementaire, et d'offrir le gouvernement aux libéraux et le poste de premier ministre à M. Ignatieff.

Cela donnerait un gouvernement instable, mais chaque jour que M. Ignatieff passe au pouvoir lui permet d'améliorer un peu plus les chances des libéraux aux prochaines élections.

Évidemment, il est possible que plusieurs des conditions énumérées ne soient pas remplies. Les libéraux n'auront peut-être pas le vent en poupe au sortir des débats. Et M. Harper pourrait ne rien dire de vraiment stupide, cette fois-ci.

Mais M. Ignatieff ne peut penser à cela. Il doit continuer à aller de l'avant, et espérer que la balance penche en sa faveur.

Par-dessus tout, il doit continuer à y croire.