La Cour européenne des droits de l'homme vient de rendre un jugement historique en matière de laïcité ouverte. Le 18 mars dernier, la cour a confirmé le droit pour l'État italien de maintenir les crucifix aux murs des écoles publiques italiennes.

La Cour européenne des droits de l'homme vient de rendre un jugement historique en matière de laïcité ouverte. Le 18 mars dernier, la cour a confirmé le droit pour l'État italien de maintenir les crucifix aux murs des écoles publiques italiennes.

Dans cette cause, le gouvernement italien a soutenu que la présence de crucifix dans les salles de classe des écoles publiques correspond aujourd'hui à une tradition qu'il juge important de perpétuer. Pour lui, au-delà de sa signification religieuse, le crucifix symbolise les principes et valeurs qui fondent la démocratie et la civilisation occidentale, sa présence dans les salles de classe étant justifiable à ce titre. La cour répond que, si la décision de perpétuer une tradition relève en principe de la marge d'appréciation des États, l'évocation d'une tradition ne saurait les exonérer de leur obligation de respecter les droits et libertés consacrés par la Convention (l'équivalent de notre Charte).  

La cour constate qu'en prescrivant la présence du crucifix dans les salles de classe des écoles publiques, la réglementation italienne donne à la religion majoritaire du pays une visibilité prépondérante dans l'environnement scolaire. Elle estime toutefois que cela ne suffit pas pour caractériser une démarche d'endoctrinement. Elle souligne ensuite qu'un crucifix apposé sur un mur est un symbole essentiellement passif, dont l'influence sur les élèves ne peut être comparée à un discours didactique ou à la participation à des activités religieuses.

La cour estime en outre que les effets de la visibilité accrue que la présence de crucifix donne au christianisme dans l'espace scolaire méritent d'être encore relativisés au vu d'autres éléments: cette présence n'est pas associée à un enseignement obligatoire du christianisme; l'espace scolaire en Italie est ouvert à d'autres religions (port des symboles et tenues à connotation religieuse non prohibé chez les élèves, prise en compte des pratiques religieuses non majoritaires, possibilité de mettre en place un enseignement religieux facultatif pour toutes les religions reconnues, fin du ramadan souvent fêtée dans les écoles...).

Les enseignements de la Cour européenne peuvent être facilement transposés dans d'autres domaines du service public. La présence du crucifix dans l'espace public et dans les locaux où l'État et l'administration opèrent n'est pas contraire à l'obligation de neutralité de l'État, dans un pays de tradition chrétienne, s'il n'y a pas volonté manifeste d'endoctrinement.

Voilà une saine conception de la laïcité ouverte, valable en Vénétie, à Québec et à Saguenay.