Les banlieues de Toronto, qui forment ce qu'on appelle le 905, sont la région du Canada dont la croissance démographique est la plus rapide en ce moment. On y trouve aussi une très grande variété culturelle, ce qui attire des immigrants d'un peu partout sur la planète.

Les banlieues de Toronto, qui forment ce qu'on appelle le 905, sont la région du Canada dont la croissance démographique est la plus rapide en ce moment. On y trouve aussi une très grande variété culturelle, ce qui attire des immigrants d'un peu partout sur la planète.

Depuis un demi-siècle, les électeurs de cette région sont fidèles au Parti libéral. Ils en forment la base électorale. On pouvait compter sur ces citoyens, qui ne sont pas d'origine anglophone ni francophone, pour donner des sièges aux libéraux à Montréal, à Toronto et à Vancouver. Pendant la campagne électorale qui vient de commencer, la nouvelle bataille de l'Ontario aura pour objectif l'obtention de ces votes, les conservateurs espérant redessiner ainsi la carte électorale.

C'est Jason Kenney, ministre de l'Immigration, qui mène la lutte. Son travail consiste à faire le tour du pays pour convaincre les nouveaux Canadiens, ainsi que des Canadiens d'origine asiatique établis ici depuis longtemps, que le Parti conservateur possède les mêmes valeurs qu'eux. Ou, du moins, qu'ils n'ont pas à en avoir peur.

Les conservateurs provenant du Parti réformiste ont souvent été perçus - et pas forcément à tort - comme manquant d'ouverture envers les citoyens qui ne sont pas anglo-saxons. C'est la vision des Québécois, et aussi celle des nouveaux citoyens canadiens.

Cependant, les conservateurs savent que le chemin vers la majorité passe par la banlieue de Toronto. Pour ce qui est de leur base, ils ne sont pas inquiets : ils ne risquent pas de perdre Red Deer de sitôt.

Que peuvent offrir les conservateurs aux électeurs immigrants? Ils parlent de famille et de valeurs familiales. De l'importance de récompenser ceux qui travaillent dur. Ils font appel à l'esprit entrepreneurial. Et ils se moquent de la vieille élite canadienne, dont les nouveaux arrivants se savent exclus. C'est un mélange classique de valeurs familiales, de responsabilité individuelle et de populisme que Kenney, Harper et les autres ministres du cabinet conservateur proposent tout naturellement puisque ce sont des valeurs auxquelles ils adhèrent.

Les éléments qui leur font obstacle font partie de l'histoire: l'héritage de soutien, de patronage et de réseaux offerts par les libéraux aux groupes immigrants, ainsi que la vision de certaines factions du Parti conservateur qui penchent en faveur d'un Canada beaucoup plus uniforme.

C'est dans cette optique qu'il faut regarder la bataille de l'Ontario, avec les publicités en mandarin du Parti conservateur, ses offensives répétées contre M. Ignatieff qu'il présente comme élitiste, ou encore les attaques récentes contre la famille du chef libéral qui ne serait pas une «véritable» famille d'immigrants.

Et les libéraux, eux, qu'offrent-ils? Un héritage d'alliances, d'ouverture d'esprit envers les nouveaux citoyens canadiens qui n'est pas partagée par tous les éléments de la coalition conservatrice, de même qu'un appui sans équivoque à tous les programmes de protection sociale. On ne sait pas si cela suffira ni si cela est encore considéré comme important par les groupes cibles. Au cours des dernières élections fédérales, certaines circonscriptions du 905 ont commencé à pencher vers le Parti conservateur.

Les conservateurs de M. Harper n'ont pas perdu leurs appuis dans l'Ouest canadien et dans les petites villes ontariennes. Leur tentative des cinq dernières années de reconstruire au Québec la coalition conservatrice de l'ère Diefenbaker et de l'ère Mulroney a échoué. Alors, ils se rabattent sur le Canada multiculturel.

Si les libéraux perdent leurs appuis dans le Canada multiculturel, avec peu d'espoir de réaliser une percée dans l'Ouest canadien, il leur sera très difficile d'être réellement dans la course pour toute élection fédérale dans un avenir prévisible.

Les enjeux sont gros. Et c'est dans le 905 que ça se passe. Chez des gens qui parlent punjabi, coréen et mandarin. Et Jason Kenney sait comment dire «j'espère pouvoir compter sur votre soutien» dans toutes ces langues.