Économie et éthique seront probablement les deux thèmes majeurs de la campagne électorale. Le terrain économique est à l'avantage des conservateurs: l'économie canadienne s'est bien tirée de la récession et le plan de relance du gouvernement Harper - médiatisé à profusion - n'y est pas étranger.

Économie et éthique seront probablement les deux thèmes majeurs de la campagne électorale. Le terrain économique est à l'avantage des conservateurs: l'économie canadienne s'est bien tirée de la récession et le plan de relance du gouvernement Harper - médiatisé à profusion - n'y est pas étranger.

Depuis 2006, les conservateurs auront réussi à définir une trajectoire budgétaire et fiscale qui rejoint leurs ambitions idéologiques: amorcer la réduction des dépenses de fonctionnement de l'État. Bien plus, le premier ministre canadien, économiste de formation, apparaît aux yeux des Canadiens comme un «bon gestionnaire».  

Le dernier budget sera aussi un atout, puisque tout en rassurant les entreprises et la droite sur le retour à l'équilibre budgétaire, il donne aux aînés, aux aidants naturels et aux familles. Dans tous les  cas, c'est peu... tout en étant suffisant pour tenir un discours sur chacun des enjeux ciblés. En fait, les conservateurs bouclent leur mandat en offrant un cocktail budgétaire habile économiquement et astucieux politiquement.

Sur les questions économiques, les libéraux et néo-démocrates auront bien du mal à convaincre les électeurs volatiles et indécis. L'opposition va donc chercher à imposer l'éthique comme premier enjeu de la campagne. Les faits relatés sont nombreux: dépenses électorales problématiques, dissimulations de données au parlement, manque de transparence avec la presse, attribution douteuse de certains contrats. Dans certains cas, les accusations viennent d'organismes indépendants, comme Élections Canada. Dans d'autres cas, ils sont soulevés unanimement par l'opposition ou la presse parlementaire. Ici, le gouvernement est indéniablement sur la défensive.

À première vue, l'éthique est un thème porteur, plus simple que les enjeux économiques: la vertu contre la corruption, la bonne gouvernance contre l'opacité. Lorsque décliné dans la sphère publique, ce thème oppose d'une manière caricaturale les bons et les méchants.

Aux États-Unis, comme dans la plupart des démocraties, les enquêtes sur le comportement électoral montrent que le premier déterminant du vote est souvent la situation économique du pays, combiné à la situation spécifique des personnes. On récompense ou punit l'équipe en place en fonction de la conjoncture. Il existe cependant de nombreuses exceptions à cette règle: en 2004 et 2006, c'est l'enjeu éthique qui a causé la perte des libéraux de Paul Martin. Au niveau provincial, Jean Charest a perdu bien des points à cause de l'éthique.

D'autres cas sont moins clairs: la campagne de Montréal en 2009 - littéralement dominée par les thèmes éthiques - a coûté plusieurs points au maire Tremblay sans pour autant provoquer sa perte, laissant plusieurs observateurs étonnés.  Pour que l'enjeu éthique soit politisé efficacement par l'opposition, il faut que l'équipe concurrente apparaisse comme «plus vertueuse». Or c'est bien là le problème des libéraux. Ils étaient au pouvoir il n'y a pas si longtemps et le souvenir du scandale des commandites reste présent dans l'opinion publique. Ont-ils eu le temps de se «refaire une virginité»? Rien n'est moins évident.

Un examen de la perception des Canadiens quant aux députés nous montre aussi que tous les politiciens - peu importe le parti - sont vus comme des «menteurs» et que «l'un ne vaut guère mieux que l'autre». Que des méchants! Ce cynisme peut avoir pour effet de réduire l'efficacité électorale de l'enjeu éthique. Bien des électeurs choisiront peut-être alors de se rabattre sur le thème économique pour faire leur ultime choix.  

À la ligne de départ, le Bloc québécois est le seul joueur à être confortable sur les deux thèmes. Comme il ne peut gouverner, il reste éternellement «blanc comme neige»; il peut à répétition utiliser l'indignation face aux manquements éthiques. Mais il peut aussi jouer dur avec les conservateurs sur le terrain économique en discourant sur les 2,2 milliards que le fédéral doit verser au Québec pour l'harmonisation des taxes. Étant donné que cette demande est aussi celle de Jean Charest, Gilles Duceppe peut utiliser tous les leviers du nationalisme québécois pour se définir comme le «défenseur» du consensus québécois à Ottawa, un rôle qu'il connaît bien.