Les centrales nucléaires japonaises, qui avaient la réputation d'être les plus sûres au monde, ne l'étaient pas face au séisme le plus puissant jamais enregistré dans l'histoire.

Les centrales nucléaires japonaises, qui avaient la réputation d'être les plus sûres au monde, ne l'étaient pas face au séisme le plus puissant jamais enregistré dans l'histoire.

Le Japon, qui ne dispose d'aucune ressource énergétique naturelle, avait depuis longtemps, comme la France, adopté le nucléaire: 40% de l'électricité domestique est produite par des centrales de modèle ancien (Westinghouse-Toshiba) qui avaient toujours résisté aux chocs sismiques. Une nouvelle centrale était mise en route tous les deux ans, ce qui conférait à la Compagnie d'électricité de Tokyo (TEPCO) un avantage comparatif sur le marché mondial en un temps où les États-Unis et l'Inde en particulier, s'intéressent de nouveau à l'énergie nucléaire. 

Fukushima aura tout changé : deux centrales, peut-être trois, proches de Sendai, ont été gravement endommagées: des gaz toxiques ont été lâchés dans l'atmosphère, des ouvriers ont été irradiés. À ce jour, les risques sanitaires semblent limités: ce n'est pas Tchernobyl.

Les centrales non touchées continuent à produire, mais il est évident que les constructions futures seront suspendues pour longtemps. Les adversaires du nucléaire au Japon, et plus encore en dehors, invoqueront le spectre de Fukushima.

Sur le marché mondial, les bénéficiaires immédiats de ce séisme seront les producteurs de charbon, de gaz naturel et de pétrole; et la recherche d'énergies alternatives trouvera un nouvel élan.

Au Japon même, la population reste calme: les séismes font partie du destin national. En 1923, le tremblement de terre de Tokyo a fait 100 000 morts et la capitale a disparu dans les flammes. En 1995, on déplora 6000 victimes à Kobe. À Sendai? On ne le saura que dans plusieurs jours, compte tenu de la dispersion des populations. La perte sera considérable malgré les progrès accomplis pour contenir les  catastrophes naturelles. Depuis le séisme de Kobe, les  normes de construction ont évolué: la plupart des bâtiments de Sendai ont résisté. Aux normes techniques s'ajoute la préparation psychologique: dés leur plus jeune âge, les enfants apprennent à se comporter convenablement, à la fois au plan humain et de manière opérationnelle.

La civilisation japonaise contribue à contenir les dégâts: Sendai n'est pas Port-au-Prince, aucune scène de pillage, aucun désordre n'ont suivi le séisme. La population s'est mise à l'oeuvre pour secourir les victimes et déblayer sans attendre la police et l'armée.

Dans le reste du Japon, l'activité n'a été interrompue que quelques heures: le coeur industriel du pays se trouve à 300 kilomètres plus au sud et les usines sont équipées pour résister à des chocs majeurs. Les exportations d'automobiles et de composants auront été suspendues moins d'une journée ainsi qu'on a pu le mesurer à Vancouver, principal port d'entrée des produits japonais en Amérique du Nord.

L'économie japonaise qui croît lentement, mais croît tout de même grâce à des productions de plus en plus sophistiquées, ne devrait pas être affectée par le séisme: on peut même envisager que la reconstruction de Sendai suscitera un supplément de croissance comme cela avait été le cas après Kobe. Cette renaissance de Sendai sera financée par des investisseurs privés qui vendront des valeurs étrangères (type bons du trésor américain) de manière à rapatrier des yens: le cours du yen va probablement monter dans les semaines qui viennent.

Les exportateurs japonais devraient en souffrir, mais peu car les composants japonais sont irremplaçables, quelque soit leur prix (impossible de fabriquer où que ce soit dans le monde, un téléphone portable sans composant japonais).

L'autre source de financement pour reconstruire Sendai sera publique, au risque d'aggraver la dette de l'État qui atteint déjà le niveau record de deux ans de production nationale. Mais cette dette étant financée par les épargnants japonais, il ne sera pas nécessaire pour l'État d'emprunter sur le marché mondial.

«Les Japonais n'avancent jamais que de crise en crise», commente Naoki Inose, historien et vice-maire de Tokyo: le drame de Fukushima pourrait paradoxalement réveiller un pays qui ralentissait.