Il y a 17 ans, une chance inouïe s'offrait à moi: celle de prendre part à un programme d'immersion anglaise, un projet-pilote tout juste instauré par mon école de quartier de la Rive-Sud. Cinq mois en français, cinq mois en anglais, une expérience bénéfique. Qu'en est-il aujourd'hui? Suis-je devenue cette menace tant redoutée, qui chamboule l'identité québécoise? Je crois qu'il importe ici de vous rassurer dans vos craintes (l'auteure répond à Christian Dufour dans un article signé par Marie-Claude Malboeuf, «Une menace pour notre identité», La Presse, 28 février.)

Il y a 17 ans, une chance inouïe s'offrait à moi: celle de prendre part à un programme d'immersion anglaise, un projet-pilote tout juste instauré par mon école de quartier de la Rive-Sud. Cinq mois en français, cinq mois en anglais, une expérience bénéfique. Qu'en est-il aujourd'hui? Suis-je devenue cette menace tant redoutée, qui chamboule l'identité québécoise? Je crois qu'il importe ici de vous rassurer dans vos craintes (l'auteure répond à Christian Dufour dans un article signé par Marie-Claude Malboeuf, «Une menace pour notre identité», La Presse, 28 février.)

Je travaille dans une organisation québécoise promouvant l'utilisation du français en tout temps. J'ai à la maison une bibliothèque remplie de livres d'auteurs québécois (et si peu de livres en anglais) et un iPod où jouent de nombreuses pièces en français. Quand on me sert en anglais au Québec, je m'entête systématiquement à répondre en français. Pas parce que je ne parle pas anglais. Pour des questions de valeurs culturelles. Quand je constate qu'un site web d'une entreprise québécoise ouvre par défaut en anglais, ça me dérange un peu. Et pourtant, j'ai osé parfaire mes connaissances en cette langue menaçante.

Pourquoi ne suis-je pas devenue cette Québécoise reniant sa langue maternelle alors? Ma sixième année ne m'a pas appris à renier ou à mépriser le français. Elle m'a appris l'anglais, c'est tout. Elle a développé une compétence que je ne possédais pas, ajouté une corde à mon arc.

Alors, quand vous dites que l'apprentissage intensif de l'anglais est une régression identitaire, je remets en doute vos arguments. Une étude a-t-elle été menée pour conclure que l'immersion anglaise entraînerait une baisse d'intérêt pour nos produits culturels? Et quand vous avancez que plusieurs parents ne croient plus à un avenir en français, ne pensez-vous pas plutôt que ces mêmes parents ne veulent qu'ouvrir le plus de portes possible à leurs enfants?

Le bilinguisme est pratiquement essentiel à l'obtention d'un emploi, que l'on soit d'accord ou non avec ce fait. Le bilinguisme est agréable pour ne pas se sentir dans une tour de Babel sitôt que l'on sort de la maison. Le bilinguisme est pratique pour voyager, si l'on souhaite voir plus de pays et côtoyer plus de cultures que peut nous offrir un tout inclus.

Ceci étant dit, suis-je d'accord avec la proposition du premier ministre Charest? Non. Parce que ce ne sont pas tous les jeunes qui ont les capacités, la volonté et le soutien des parents pour vivre une immersion anglaise. Je constate tristement que bien d'entre eux ont peine à maîtriser le français. J'ai pour ma part mérité ma place parmi ce programme, les sélections étant faites sur la base des résultats académiques. Étant une étudiante douée, j'ai donc non seulement bénéficié de l'apprentissage accéléré de l'anglais, j'ai également profité du fait d'accomplir l'ensemble des matières académiques en cinq mois.

Pour la première fois, j'avais l'impression que mes enseignants s'adaptaient à mon rythme plutôt qu'à celui des élèves en difficulté. En effet, être doué, c'est souvent attendre après les étudiants qui comprennent moins bien et devoir pallier avec l'indiscipline des moins intéressés. Une immersion est donc un programme très motivant pour un étudiant sans difficulté d'apprentissage, mais peut rapidement se transformer en cauchemar pour bien d'autres jeunes.

Je souhaite pour mes futurs enfants la chance de bénéficier d'une immersion anglaise et de devenir, conséquemment, parfaitement bilingues. Pas parce que je ne crois pas en un avenir en français au Québec, mais parce que je veux les outiller pour l'atteinte de la réussite et de leurs objectifs, quels qu'ils soient.

* L'auteure est conseillère en communication et étudiante à la maîtrise en gestion de projets de l'UQAM.

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Pour conserver notre belle langue française québécoise, il ne faut surtout pas s'isoler.