Permettez-moi de revenir sur la chronique de Marc Cassivi. Tout d'abord, afin de corriger des erreurs factuelles.

Permettez-moi de revenir sur la chronique de Marc Cassivi. Tout d'abord, afin de corriger des erreurs factuelles.

Il est faux d'affirmer que Vivafilm ait fait devancer la sortie du film L'appât en contre-partie d'un investissement de 1 million de dollars dans sa promotion. Comme toujours, la date de sortie a été établie en accord avec les artisans du film et, dans ce cas-ci, le réalisateur Yves Simoneau et la productrice Josée Vallée préféraient que le film prenne l'affiche en décembre, plutôt qu'à l'été 2011.

En aucun temps, il n'a été question de précipiter quoi que ce soit et il est important de préciser que le distributeur n'a aucune influence sur la date à laquelle un film est terminé. De plus, notre investissement en promotion pour ce film est bien en deçà du million de dollars.

C'est étonnant que Marc Cassivi ne m'ait pas interrogé sur ces faits lors de notre brève discussion de jeudi dernier. Évidemment, mes réponses n'auraient pas servi son propos, mais il aurait au moins évité d'errer sur ces deux points.

De plus, je joins le club des mal cités, lorsque M. Cassivi me fait dire «qu'un film porteur n'est pas nécessairement un film d'auteur», alors que j'ai dit exactement le contraire. J'ai même donné en exemple le film Café de Flore de Jean-Marc Vallée, que nous allons distribuer au cours des prochains mois et qui, tout en étant fortement ancré dans une démarche d'auteur, devrait rejoindre un large public, ce qui pour moi n'est pas du tout incompatible.

Lors de ma discussion avec Marc Cassivi, j'ai aussi abordé la notion de risque du cinéma québécois du point de vue des distributeurs, mais ça ne semble pas être une préoccupation pour ce dernier lorsqu'il analyse la «richesse» de notre industrie. Il faudra pourtant un jour comprendre que si la production québécoise est financée en grande partie par l'État, sa distribution l'est en quasi-totalité par des fonds privés. Quand une compagnie comme Alliance Vivafilm prend la décision, à la suite de la lecture d'un scénario, de participer à la production d'un film québécois, elle investit en moyenne 910 000$ (montant basé sur les films québécois que nous avons distribué en 2010) entre l'achat des droits et les dépenses de promotion. Le risque est donc considérable et pour arriver à financer des films au potentiel commercial plus limité, nous devons aussi distribuer des films qui peuvent rejoindre un plus large public.

Nous avons tous compris, puisqu'il le répète à satiété depuis quelques mois sur différentes tribunes, que Marc Cassivi n'a pas aimé Filière 13 ni L'appât, mais est-ce même concevable pour lui que des gens aient pu aimer ces deux films, que ces comédies les aient fait rire? Est-ce possible aussi que d'autres apprécient moins certains films qu'il a encensés? Qui a tort, qui a raison? Comme cinéphile, j'ai moi aussi mes goûts et mes préférences, mais comme distributeur, je n'essaie pas de les imposer aux autres avec condescendance. J'ai trop de respect pour le public et le cinéma et pour les multiples façons qu'ils ont de se rejoindre, que ce soit par la réflexion, le rire, l'émotion, l'introspection ou le pur divertissement.

Ça fait 20 ans que je travaille dans l'industrie du cinéma et mon plus grand bonheur est d'y côtoyer des créateurs de grand talent. Un film commence par une idée, se développe par le scénario et s'écrit ensuite au rythme de sa production. Le résultat est la somme du travail de nombreux artisans qui donnent le meilleur d'eux-mêmes, afin de magnifier l'idée de départ. Parfois, le résultat final est à couper le souffle, parfois, c'est moins réussi, mais je n'ai jamais travaillé avec des gens qui avaient comme objectif de faire un mauvais film.

L'argument de la qualité est donc sans fondement, puisque c'est toujours la fin visée et que ça demeure de toute façon une question subjective. Certains films abordent des thématiques plus difficiles, alors que d'autres ont comme principal objectif le divertissement. Pour la santé de notre cinéma, il faut toutefois cesser de dénigrer l'un pour encenser l'autre, car notre industrie ne se portera que mieux si les deux coexistent en harmonie.

D'ailleurs, le succès d'un film québécois, même commercial, aura des répercussions sur les productions futures de tous les horizons, y compris les films d'auteurs qui, malgré les bonnes critiques et quelques heureuses exceptions, ne sont souvent vus que par un très faible pourcentage des cinéphiles.

En terminant, je persiste et je signe en me réjouissant des 23 nominations aux Jutra des films distribués par Vivafilm, en 2010. Et ce n'est pas paradoxal que d'exprimer cette fierté, car ces nominations risquent d'encourager un public encore plus grand à découvrir ces films, ce qui demeure l'objectif ultime pour tous les distributeurs. Et même si notre «ligne éditoriale» au niveau des acquisitions peut évoluer avec le temps, le souci de la qualité sera toujours au centre de nos décisions et Vivafilm compte bien continuer à exercer son leadership sur la distribution des films québécois.

Marc Cassivi répond: Je n'invente rien

M. Roy, sans doute par modestie, minimise l'influence réelle des distributeurs, notamment en ce qui concerne la sortie de L'appât. C'est l'équipe de production de L'appât elle-même qui a déclaré, par médias interposés, que le film avait dû être «bouclé dans un temps record» pour satisfaire à la stratégie d'Alliance Vivafilm de devancer sa sortie de six mois. Je n'invente rien, contrairement à ce que suggère M. Roy.