L'attrait des taxes foncières amène parfois les politiciens à accepter des changements de zonage aberrants. Un cas classique sera discuté aujourd'hui, lors d'une réunion du conseil de l'arrondissement Ville-Marie, présidée par le maire Gérald Tremblay.

L'attrait des taxes foncières amène parfois les politiciens à accepter des changements de zonage aberrants. Un cas classique sera discuté aujourd'hui, lors d'une réunion du conseil de l'arrondissement Ville-Marie, présidée par le maire Gérald Tremblay.

Amos et son fils Michael Sochaczveski demandent une modification de zonage qui leur permettra d'ajouter trois étages à un projet domiciliaire qu'il propose sur le site de la maison Redpath, une maison historique construite en 1886, qu'ils veulent démolir. Les promoteurs proposent d'y construire 17 condos, alors que le règlement de zonage n'en permet au plus qu'une douzaine.

La maison Redpath, située sur la rue du Musée, entre Sherbrooke et Penfield, git abandonnée depuis que les Sochaczveski l'ont acheté en 1986. Les Sochaczveski sont bien connus à Montréal, entre autres à titre de propriétaires de l'hebdo The Suburban, «Quebec's Largest English Weekly Newspaper».

Évidemment, construire 17 condos plutôt que 12 augmente la valeur du site. Mais ceci s'applique toutefois à tout site qui jouit d'un emplacement privilégié. Construire des condos dans les jardins du Château Ramezay en face de l'hôtel de ville en augmenterait sûrement la valeur de la propriété. Mais c'est tout Montréal qui perdrait.

Le changement demandé de zonage soulève trois problèmes.

1) Ajouter trois étages sur ce site bloquerait la vue du mont Royal aux voisins. Entre autres, le Musée des Beaux Arts de Montréal vient de construire une magnifique verrière dans une nouvelle annexe, offrant une vue spectaculaire de la montagne, et qui sera accessible au public. Les trois étages du projet viennent ruiner cette perspective. Par analogie, ce changement de zonage ressemble à un spectateur qui reçoit la permission de se planter debout devant les premières rangées dans un théâtre : les spectateurs qui ont payé leurs billets auraient matière à crier à l'injustice.  

2) Pourquoi les voisins des Sochaczveski sur la rue du Musée, et tant qu'à y être, sur tout le flanc de la montagne, ne seraient pas aussi autorisés à ajouter trois étages sur leur propriété? L'ajout de six condos «avec vue» sur cette propriété ajoute entre 1,5 million et 2 millions de dollars à la valeur du terrain, un très beau cadeau du maire et des ses acolytes aux Sochaczveski. Comment pourront-ils refuser de faire un cadeau similaire à leurs voisins?

3) L'addition de six condos sur ce site ne fait que déplacer l'offre de condos à Montréal d'un site vers un autre. En bout de piste, la valeur des taxes foncières que perçoit la ville ne dépend pas de la localisation spécifique des habitations sur l'île, mais de leur nombre. Les Sochaczveski ne feront que faire déménager des résidants vers le site. En fait, en diminuant l'attrait de la montagne, en ajoutant un autre édifice en hauteur sur ses flancs, ils font diminuer la valeur foncière générale de Montréal.

Les lecteurs intéressés au projet des Sochaczveski peuvent consulter le site web du Suburban, qui en présente une maquette couleur. Mais ceux qui veulent connaître la vraie nature de ces promoteurs sont invités à visiter le site, sur la rue du Musée, une magnifique maison totalement délabrée, et ce, depuis plus de 25 ans. Il serait immoral pour les élus de Ville-Marie de donner un cadeau de 2 millions à de si mauvais propriétaires, en plus de gifler tous les citoyens de Montréal qui respectent les règlements de zonage.

Par ailleurs, les élus de Ville-Marie devraient aussi s'interroger comment l'arrondissement pourrait obliger les propriétaires d'édifices historiques à les maintenir en bon état, afin que des scandales comme la maison Redpath ne se reproduisent plus.