Lorsque l'État connaît une crise de légitimité comme celle dans laquelle se trouve actuellement le régime de Hosni Moubarak, l'intervention de l'armée semble une option naturelle dans un régime dictatorial non fondé sur la suprématie du pouvoir civil sur le pouvoir militaire.

Lorsque l'État connaît une crise de légitimité comme celle dans laquelle se trouve actuellement le régime de Hosni Moubarak, l'intervention de l'armée semble une option naturelle dans un régime dictatorial non fondé sur la suprématie du pouvoir civil sur le pouvoir militaire.

Dans ce contexte, l'armée égyptienne apparaît à ce moment de crise comme l'institution sollicitée en dernier ressort pour sauver le régime Moubarak. Nul doute, cette institution ne restera pas indifférente vis-à-vis la situation insurrectionnelle dans laquelle est plongé le pays, alors que les jours au pouvoir du président Moubarak sont comptés.

Cependant, l'armée fait face à une situation beaucoup plus complexe pour sauvegarder la sécurité nationale et les institutions de l'État, en raison des bouleversements actuels au niveau interne et des risques d'une modification de l'ordre géopolitique régional en cas de chute du régime en place.

L'armée en Égypte est historiquement la garante ultime du pouvoir politique depuis le coup d'État de 1952 mené par le Mouvement des officiers libres. Celui-ci a consacré l'interventionnisme de l'armée dans la sphère politique pour former avec la présidence et les services de renseignement l'unité centrale décisionnelle du régime égyptien. Tous les présidents successifs - Mohamed Naguib, Nasser, Anouar al-Sadate et Hosni Moubarak - sont issus du corps des officiers.

Cette alliance sur laquelle reposait le régime Moubarak était trop solide pour résister à toute attaque, car son entourage militaire était très fidèle. Les généraux et les hauts gradés ont bénéficié de nombreux avantages et sont présents dans plusieurs secteurs industriels et commerciaux.

Cependant, les émeutes que connaît l'Égypte depuis 25 janvier, exigeant le départ de Moubarak, pourraient conduire à un tournant dans les relations armée/pouvoir et peut-être à la fin de l'âge d'or. L'armée ayant été appelée à assurer la sécurité, il est inévitable que les militaires s'interrogent sur les insuffisances du système qui a pu les conduire à faire un travail policier pour lequel ils ne sont pas habitués. Si les militaires ont été sollicités pour réprimer les émeutes urbaines de 1977 et la révolte des cadets de la police en 1986, les forces de sécurité n'arrivent pas cette fois à contenir les manifestants qui bravent le couvre-feu décrété sur l'ensemble du pays. Les pressions internationales s'accentuent pour que les forces de sécurité fassent preuve de retenue et Washington a fait savoir qu'il pourrait revoir son aide militaire (1,3 milliard de dollars par an) à l'Égypte.

En outre, l'armée, qui vient de sortir de sa réserve pour tenter de mettre fin à cette situation insurrectionnelle, n'a pas intérêt à adopter de mesures graves conduisant à plus de morts et de blessés pour ne pas perdre sa crédibilité et sa réputation. L'armée inspire autant de respect que de peur, et représente un symbole national pour la défense de l'Égypte et ses frontières aux ingérences ou attaques extérieures.   

On assiste présentement à un coup d'État au sommet du pouvoir qui permet aux militaires de reprendre en main le pays afin d'assurer la pérennité du régime. Dans cette perspective, s'inscrit la nomination du chef des services secrets, Omar Souleimane, en qualité de vice-président de l'État égyptien. Cela est un prélude au départ de Hosni Moubarak, dont l'intérim sera assuré par l'un de ses hommes les plus loyaux et qui est bien apprécié par Washington.

Il s'agit d'un tour de passe-passe pour empêcher le renouvellement de l'expérience tunisienne en Égypte. Cependant, les forces de police sont incapables de ramener l'ordre après ces jours de manifestations qui ont tourné à l'insurrection populaire.

Or, si l'armée veut garder sa position d'arbitre et ne veut pas voir trop de sang couler, elle peut exiger de Moubarak qu'il parte, en le protégeant, pour accompagner un changement de régime et entamer les réformes politiques qui seront en mesure de satisfaire la rue et les forces d'opposition.