Dans une entrevue exclusive qu'il a accordée le 12 janvier dernier à La Presse, le premier ministre Stephen Harper s'est vanté d'avoir restauré une «certaine paix constitutionnelle». Selon lui, grâce aux accomplissements de son gouvernement, les Québécois «ne parlent plus de souveraineté». En plus d'être risible, cette affirmation n'a aucun fondement dans les faits.

Dans une entrevue exclusive qu'il a accordée le 12 janvier dernier à La Presse, le premier ministre Stephen Harper s'est vanté d'avoir restauré une «certaine paix constitutionnelle». Selon lui, grâce aux accomplissements de son gouvernement, les Québécois «ne parlent plus de souveraineté». En plus d'être risible, cette affirmation n'a aucun fondement dans les faits.

De deux choses l'une: soit M. Harper est si terriblement isolé dans son bunker de l'édifice Langevin à Ottawa qu'il a perdu totalement contact avec le monde extérieur, ou bien il use une rhétorique politique pour le moins mensongère.

S'il est vrai que les Québécois ne pensent pas à la Constitution en se réveillant le matin et que le dossier de l'unité nationale ne suscite pas les émois de la fin des années 80, il n'en demeure pas moins qu'un noyau ferme de Québécois francophones continue d'appuyer l'indépendance du Québec.

Après 40 ans d'existence, le débat entre fédéralistes et indépendantistes divise encore grosso modo le Québec en deux. Si rien dans le paysage politique actuel ne permet de conclure que les souverainistes sont à la veille d'atteindre l'objectif qu'ils poursuivent, on ne peut pas dire que les fédéralistes ont été particulièrement efficaces au cours des dernières années dans la vente de leur projet.

Qui plus est, contrairement à ce que M. Harper affirme, le pays n'est pas aussi uni qu'il aimerait le laisser entendre. Depuis quelques années, les successions de gouvernements minoritaires ont accentué la balkanisation du Canada. Il y a l'ouest et les régions rurales des conservateurs, les grandes villes et les Maritimes des libéraux, le Québec francophone du Bloc québécois et la gauche un peu idéaliste et éparpillée du NPD. La politique partisane a le dessus sur les débats d'idées. Le climat est malsain.

Malgré l'accalmie relative des dernières années, le Parti québécois reviendra tôt ou tard au pouvoir et nous replongera forcément dans un autre mélodrame référendaire, auquel le pays n'est d'ailleurs pas prêt à faire face. En attendant, les Québécois ne s'intéressent plus vraiment au Canada. Ils s'en contentent, faute de mieux, mais ils n'y investissent pas beaucoup d'énergie et de temps. Le coeur n'y est tout simplement pas.

Pour sa part, l'Alberta continue de s'isoler du reste du pays et d'entretenir des sentiments mitigés à l'égard du Canada central. L'unité nationale reste fragile.

Depuis son arrivée au pouvoir, on ne peut pas dire que M. Harper a été un grand rassembleur et qu'il a proposé aux Canadiens de grands projets communs et mobilisateurs. En faisant recours fréquemment aux publicités négatives, en mettant fin sans raison aux travaux du Parlement, en faisant recours si souvent à une politique de confrontation (dans le dossier du registre des armes à feu et du financement des partis politiques, par exemple), en ternissant l'image du Canada à l'étranger - entre autres avec l'humiliante défaite qu'il a fait subir au pays à l'ONU -, il a surtout démontré qu'il était d'abord et avant tout un être politique fondamentalement et hautement partisan, peu soucieux d'unir les Canadiens.

* L'auteur a été conseiller politique au sein des gouvernements libéraux de Jean Chrétien et de Paul Martin.