Le sommet du G20 vient de se conclure à Séoul sur un bilan qui ressemble étrangement à celui de la dernière rencontre à Toronto en juin dernier, à savoir un verre à moitié plein ou à moitié vide.

Le sommet du G20 vient de se conclure à Séoul sur un bilan qui ressemble étrangement à celui de la dernière rencontre à Toronto en juin dernier, à savoir un verre à moitié plein ou à moitié vide.

Depuis plusieurs mois, les principales puissances économiques mondiales ont manifestement du mal à trouver un terrain d'entente sur la nature des réformes d'un nouvel ordre économique mondial. Pour sortir la tête haute de ce sommet, les États-Unis ou la France (qui sera le pays d'accueil de la prochaine rencontre en novembre 2011) n'ont pas hésité à parler d'un «premier G20 de l'après-crise». Si nous décodons cette déclaration, cela signifie que les pays ne sont pas parvenus à s'entendre sur la feuille de route fixée à Londres en avril 2009 consistant à définir des mesures de régulation du système financier en allant au-delà des accords de Bâle III (qui oblige désormais les banques à disposer de 7% de fonds propres - plutôt que 2%).

Mais il faut reconnaître que les membres du G20 ont des circonstances atténuantes: la guerre des monnaies s'est introduite dans le débat. Tout comme la crise des déficits budgétaires avait contaminé le débat du G20 à Toronto, la guerre des monnaies a retenu l'attention lors des négociations à Séoul. Doit-on en conclure que cette guerre des monnaies était plus urgente, plus cruciale que l'espoir placé dans la tentative de régulation financière?

La réponse est double et soulève plusieurs défis de politique économique.

Tout d'abord, il serait maladroit de vouloir créer une hiérarchie, tant les enjeux sont imbriqués. La guerre des monnaies renvoie à ce que les économistes connaissent mieux sous le terme de dévaluation compétitive. Déprécier sa monnaie par un assouplissement quantitatif («quantitative easing») vise mécaniquement à rendre ses exportations plus attractives pour les importateurs potentiels. Par conséquent, une telle décision unilatérale implique qu'un pays (par exemple, les États-Unis) anticipe stimuler son économie nationale par un accroissement de ses exportations au détriment d'une détérioration des termes de l'échange pour les autres pays, principalement ceux émergents (Chine, Brésil, Inde...). Au fond, ce choix de politique économique résonne comme la reconnaissance de l'échec de la politique budgétaire (plus de 1500 milliards de dollars en plan de relance) des pays développés.

Autre arme à la disposition des États, la politique monétaire est plus difficile à manipuler car elle relève en théorie d'une autorité indépendante, la banque centrale. Or, en injectant 600 milliards de dollars dans l'économie, la Réserve fédérale contribue à raviver des réflexes protectionnistes que le premier G20 réuni à Washington avait réussi à éloigner par un engagement coordonné et coopératif des États. Donc, en ce sens, ne pas avoir traité la guerre des monnaies aujourd'hui envoie un signal très spécieux: celui de laisser les États libres de leur choix de politique économique nationale, faisant abstraction d'un cadre d'action internationale légitimé par le G20.

Ensuite, l'absence de consensus à Séoul laisse entendre que la Chine et les États-Unis peuvent poursuivre leur guerre des monnaies sans être sanctionnés par un gendarme international. En renonçant à un contrôle des capitaux plus ferme, le Fonds monétaire international porte une responsabilité indirecte dans cette fuite en avant. Dans cet environnement, il n'est guère étonnant que la Chine laisse flotter sa monnaie compte tenu de la quantité de réserves qu'elle détient (en particulier par l'achat de la dette américaine). D'un autre côté, renoncer au contrôle des échanges de capitaux, dans un système financier toujours aussi instable et souvent peu lisible par les institutions elles-mêmes, incite d'autres pays à entrer à leur tour dans cette danse périlleuse de la dévaluation compétitive.

Dans cette guerre des monnaies, le G20 avait l'occasion d'asseoir sa légitimité institutionnelle en définissant un compromis plutôt qu'en repoussant cette question à demain en espérant que la Chine ou les États-Unis finiront par céder. En suggérant aux États-Unis d'adopter une politique monétaire moins agressive et en proposant aux pays émergents une appréciation substantielle de leurs devises, le G20 aurait gagné en crédibilité et confirmait son rôle d'acteur décisif en situation de crise.