Le gouvernement du Québec vient de suspendre les travaux qui devaient mener à une nouvelle carte électorale. En plus d'ajuster à l'évolution démographique les frontières de plusieurs circonscriptions, la carte mise de l'avant par la Commission de la représentation que préside le directeur général des élections aurait éliminé trois circonscriptions dans l'est du Québec pour en ajouter trois dans la région de Montréal. La Commission a fait à cet égard un travail irréprochable parce qu'elle s'est conformée tant à l'esprit qu'à la lettre de la loi actuelle.

Le gouvernement du Québec vient de suspendre les travaux qui devaient mener à une nouvelle carte électorale. En plus d'ajuster à l'évolution démographique les frontières de plusieurs circonscriptions, la carte mise de l'avant par la Commission de la représentation que préside le directeur général des élections aurait éliminé trois circonscriptions dans l'est du Québec pour en ajouter trois dans la région de Montréal. La Commission a fait à cet égard un travail irréprochable parce qu'elle s'est conformée tant à l'esprit qu'à la lettre de la loi actuelle.

C'est cette législation concernant la représentation électorale qu'il faudrait réformer, parce qu'elle établit un système assez bizarre. Elle impose un maximum de 125 circonscriptions, ce qui se conçoit bien. Et elle réserve l'une de ces circonscriptions aux Îles-de-la-Madeleine même si la population de ce territoire est loin de le justifier: en avalisant de la sorte un écart de moins 76% par rapport à la circonscription moyenne, le législateur lance le message qu'il veut aussi tenir compte de facteurs comme l'éloignement de la capitale et la superficie du territoire. Pourtant, la même loi rassemble toutes les autres circonscriptions dans un moule unique: elles doivent comporter un nombre d'électeurs qui correspond au quotient électoral du Québec, avec des variations ne dépassant pas 25% au dessus ou en dessous de ce quotient.

Même si la Commission de la représentation a le pouvoir de créer des exceptions, celles-ci ne peuvent devenir la règle. En définitive, la loi en vigueur crée un vide entre les écarts négatifs de 25% et 76%, elle laisse entre la circonscription des Îles-de-la-Madeleine et la règle établie pour les autres une marge considérable qui est inadaptée à la situation démographique et territoriale du Québec.

Un meilleur système consisterait à établir deux catégories de circonscriptions qui permettrait à la fois d'accroître l'égalité des électeurs en milieux urbains et l'efficacité de la représentation en régions éloignées. La première catégorie rassemblerait les circonscriptions densément peuplées et le nombre de leurs électeurs ne pourrait s'écarter de plus de 10% du quotient québécois. Dans l'autre catégorie, la même limite vaudrait au-dessus du quotient, mais le nombre d'électeurs pourrait s'établir en dessous du quotient jusqu'à un maximum de 40%. Pour préserver une Assemblée nationale de 125 députés tout en respectant la norme du plus 10%, la Commission de la représentation ne pourrait pas multiplier dans la seconde catégorie les cas se rapprochant du maximum inférieur.

Cette solution serait conforme à l'exigence de «représentation effective» que la Cour suprême a dégagée par application du droit de vote garanti par la Charte canadienne des droits. Selon la Cour, la Charte n'impose qu'une égalité relative du vote ou du nombre d'électeurs par circonscription et cette égalité relative n'est pas le seul facteur à considérer dans la confection d'une carte électorale. Il faut aussi tenir compte, notamment, de la géographie, de l'histoire, des intérêts de la collectivité, de la représentation des groupes minoritaires et des prévisions d'évolution démographique.

En se penchant en 1991 sur le cas de la Saskatchewan, la Cour suprême a jugé valide un système qui permettait des écarts de plus ou moins 25% au sud, et de 50% pour les deux circonscriptions du nord. Les écarts qui furent jugés inconstitutionnels par des cours de première instance s'étendaient de moins 86,8% à plus 63,2% (Colombie-Britannique) et de moins 63% à plus 115% (Île-du-Prince-Édouard).

Aussi, selon la jurisprudence canadienne, ce qui peut rendre invalide une carte électorale, c'est surtout la partisanerie politique avec laquelle on l'aurait découpée. Une carte québécoise conçue d'après le modèle suggéré ci-dessus et préparée par la Commission de la représentation, qui est indépendante du gouvernement, serait parfaitement légale et pourrait contribuer à préserver l'existence de circonscriptions historiques éloignées ou moins densément peuplées.