Lors de sa réunion de mercredi, la Réserve fédérale américaine s'apprête à relancer le programme par lequel elle achètera aux banques des obligations du Trésor, afin d'injecter davantage de liquidités dans le système économique américain. La Fed veut ainsi échanger avec les banques des obligations contre de l'argent liquide qui, dans un monde idéal, sera ensuite prêté aux entreprises qui en auraient besoin pour effectuer des investissements productifs, ou à des consommateurs désireux de s'acheter des maisons ou d'autres biens.

Lors de sa réunion de mercredi, la Réserve fédérale américaine s'apprête à relancer le programme par lequel elle achètera aux banques des obligations du Trésor, afin d'injecter davantage de liquidités dans le système économique américain. La Fed veut ainsi échanger avec les banques des obligations contre de l'argent liquide qui, dans un monde idéal, sera ensuite prêté aux entreprises qui en auraient besoin pour effectuer des investissements productifs, ou à des consommateurs désireux de s'acheter des maisons ou d'autres biens.

Par ce programme, la Réserve fédérale vise deux objectifs. Premièrement, elle souhaite influencer à la baisse les taux d'intérêt à long terme et le dollar américain, tout en poussant à la hausse le prix des actifs comme les actions et les maisons. Deuxièmement, elle cherche à élever l'inflation à un seuil de 2%, pour éviter une spirale déflationniste qui augmenterait le fardeau de la dette et le chômage. Une telle inflation pourrait inciter les consommateurs à se remettre à consommer, et les entreprises, à investir.

La difficulté particulière de cette politique d'injection de liquidités est que nous ne savons pas d'avance combien de celles-ci seront nécessaires. Pas assez de liquidités, et le risque déflationniste demeure entier. Trop, et l'inflation peut facilement dépasser le niveau de 2%, rendant ainsi la tâche plus difficile lorsqu'il sera temps de retirer cet argent.

Communiquer son objectif

La Fed ne doit pas seulement agir en espérant que l'inflation qui s'ensuivra tournera autour de 2% (sans toutefois dépasser ce niveau); elle doit aussi affirmer haut et fort cette volonté, selon un véritable plan de communication. Ce point est crucial, et la Fed a certainement appris de l'échec des Japonais, au début des années 2000, qui avaient hésité avant d'injecter des liquidités, signalant ainsi un manque de volonté ferme de faire monter le taux d'inflation.

Communiquer l'objectif d'une cible d'inflation d'environ 2%, avec comme moyen une injection de liquidités clairement comprise comme étant conditionnelle à l'atteinte de cette cible, le tout dans le but de repartir l'économie - voilà ce qui est essentiel à communiquer. La clarté du message et la crédibilité de la Fed sont aussi importantes que les moyens qu'elle adopte pour stimuler l'économie. C'est seulement ainsi que les acteurs économiques adopteront en conséquence les comportements souhaités qui feront accroître l'activité économique.

Les risques  

Ces injections de liquidités dans l'économie américaine comportent plusieurs risques. Le premier est que cet argent reste inactif dans les banques, soit parce que le pessimisme des consommateurs et des entreprises ne les incite pas à demander un prêt pour dépenser ou investir, soit parce que les banques, moroses elles aussi, refusent de prêter. C'est ce qui s'est produit au Japon, où l'économie n'a jamais réussi à redémarrer.

De plus, injecter des liquidités, c'est un peu comme augmenter le débit d'eau à la sortie d'un barrage: l'eau se dirige là où le chemin est le plus facile pour elle... ce qui peut causer des dommages au passage! Par exemple, les nouvelles liquidités ne se traduiront pas nécessairement comme le souhaite la Fed, par des investissements productifs et des achats de biens. En particulier, les matières premières sont les premières à réagir à la hausse à l'injection de liquidités.

Voilà pourquoi on a vu l'or atteindre de nouveaux sommets, et le cours d'autres matières premières, tels les aliments, le pétrole et le cuivre, a aussi augmenté. Supposons que le prix du pétrole se mette à rejoindre ses valeurs de 2008, autour de 150$ le baril, une récession mondiale pourrait s'ensuivre, exacerbant les forces déflationnistes. La Fed serait alors prise dans un important dilemme.

En outre, beaucoup de ces nouvelles liquidités aboutiront dans les économies dynamiques des pays émergents, où les rendements attendus sont supérieurs à ceux des pays industrialisés. Or, bien qu'une partie de ces capitaux soient désirables dans ces pays, puisqu'il s'agirait d'investissements directs dans leur économie, la plus grande partie de cet argent y entrerait par la spéculation et serait donc très volatile. D'où des problèmes comme des bulles immobilières et une inflation excessive, d'une part, et une appréciation des devises nationales.

Les pays émergents qui connaîtront ces fortes entrées de capitaux y résisteront par un contrôle accru sur les entrées de capitaux et par des interventions dans le marché des changes, pour limiter la hausse de leur devise. Il faudra aussi surveiller ces capitaux très volatils lorsque viendra le moment où la Fed voudra resserrer les conditions de crédit, car ils fuiront alors ces pays émergents et pourraient ainsi y causer un possible crash, comme ce fut le cas en 1997. Pour ces pays et, en fait, pour tous les investisseurs, des contrôles à l'entrée sont préférables aux contrôles qui voudraient empêcher les capitaux de ressortir du territoire lors d'une panique.

Enfin, si la Réserve fédérale espère que sa politique provoque une déprécation graduelle du dollar américain, une crise de confiance dans cette monnaie n'est pas non plus à exclure, dans la mesure où les acteurs économiques perdraient confiance dans la crédibilité de la Fed. Les investisseurs internationaux se départiraient alors de leurs actifs américains (actions et obligations) comme il s'est produit dans les années 1970, et il en résulterait une augmentation des taux d'intérêt, une baisse du bilan des entreprises et des ménages et possiblement une récession. Dans de telles conditions, la Fed serait clairement obligée de faire volte-face.

La Fed doit donc être très vigilante. Plus elle va injecter des liquidités, plus il y aura de risques. C'est pourquoi une communication claire est essentielle pour établir la crédibilité de la Fed et éviter des dérapages. Le pari qu'elle fait est que les bénéfices surpassent les coûts. Espérons qu'elle aura raison.