La France est plongée dans une autre crise sociale. La réforme des retraites est devenue le catalyseur des réactions et frustrations des Français face à la détérioration des conditions de vie et à l'endroit du régime Sarkozy. Mais comment se fait-il que cette réforme, en apparence raisonnable, a un effet si rassembleur et provoque une telle crise?

La France est plongée dans une autre crise sociale. La réforme des retraites est devenue le catalyseur des réactions et frustrations des Français face à la détérioration des conditions de vie et à l'endroit du régime Sarkozy. Mais comment se fait-il que cette réforme, en apparence raisonnable, a un effet si rassembleur et provoque une telle crise?

Tout d'abord, la hausse de l'âge de la retraite à 62 ans affecte tous les travailleurs sans distinction. La réforme touche à un droit qui, pour la plupart, est considéré comme sacré.

Aucun argument fondé sur les faits et en faveur du changement ne tient. Ni le fait de vivre une vingtaine d'années de plus que ce n'était le cas au lendemain de la dernière guerre. Ni l'incapacité de financer les programmes sociaux, incluant les retraites.

Étant donné qu'au Québec, nous vieillissons comme société plus vite que nos cousins français, eux qui n'ont jamais cessé de faire des enfants, devrions-nous suivre l'exemple de la France et hausser l'âge de la retraite? Heureusement, à moins d'un dérapage peu probable, la réponse à cette question est clairement négative.

Ici, on ne peut obliger une personne à prendre sa retraite ou l'obliger de continuer de travailler à cause de son âge. Agir autrement constitue une forme de discrimination à l'encontre des droits de la personne. D'ailleurs, alors que l'âge de 65 ans signale le début de la pension de vieillesse et est utilisé dans le régime de rentes pour calculer le montant de la rente de retraite, dans les faits, en 2005, l'âge médian de la prise de la retraite était 61,4 ans chez les hommes et 59,7 ans chez les femmes.

Cette prise hâtive de la retraite n'est pas toutefois sans conséquences. Si cette tendance se maintenait, l'arrivée massive dans la soixantaine des naissances d'après-guerre aurait des effets en chaîne hautement négatifs. La création de la richesse collective souffrirait du plafonnement et du déclin de la main-d'oeuvre active. Ce qui provoquerait un sérieux déséquilibre dans les finances publiques, au point de mettre en cause la survie des programmes sociaux, incluant les pensions.

Heureusement, on observe depuis une dizaine d'années un changement dans l'attitude des travailleurs à l'égard de leur retraite et dans celle des employeurs à l'endroit des aînés. Les taux d'activité ou de participation à la main-d'oeuvre active augmentent d'année en année de façon significative. Les dernières données de Statistique Canada révèlent que la création des nouveaux emplois se situent principalement chez les travailleurs de 55 ans et plus.

Plusieurs facteurs contribuent à ce changement. De plus en plus de travailleurs souhaitent demeurer actifs. Ils aiment leur travail, ils se sentent utiles et valorisés. Ils sont de plus en plus conscients que demeurer actif est bénéfique pour leur santé physique et leur équilibre mental. C'est en outre pour eux un moyen d'améliorer leurs revenus de retraite.

On ne peut ignorer à cet égard que plus de la moitié des travailleurs qui se dirigent vers la retraite n'auront d'autres revenus que la pension de vieillesse et la rente de la Régie des rentes. Ce qui sera nettement insuffisant pour leur permettre de maintenir un niveau de vie acceptable. De là l'importance, pour ceux qui le peuvent, de demeurer actif.

Au lieu de la coercition comme en France, l'orientation à prendre est claire. D'une part, le marché du travail doit s'adapter afin de permettre à ceux qui le désirent de demeurer actifs. D'autre part, notre système de pension doit être modifié afin de mieux couvrir les travailleurs qui ne bénéficient pas dans leur emploi d'un régime de retraite.

La poursuite de cette double voie respecte la liberté de choix des travailleurs et repartit les responsabilités entre le gouvernement, les employeurs, les syndicats et les travailleurs. Au lieu de la confrontation, elle fait appel à la bonne volonté des parties en cause.