C'était en 1980. Je l'avais aperçue du coin de l'oeil, étendue au grand soleil, à peine cachée par une petite clôture de bois. Elle avait tout pour me plaire. Une belle brune, un peu ronde avec une jolie petite frimousse. Elle passait quasiment inaperçue parmi les autres, mais c'était la mienne, je savais qu'ensemble, ce serait le début d'une grande aventure!

C'était en 1980. Je l'avais aperçue du coin de l'oeil, étendue au grand soleil, à peine cachée par une petite clôture de bois. Elle avait tout pour me plaire. Une belle brune, un peu ronde avec une jolie petite frimousse. Elle passait quasiment inaperçue parmi les autres, mais c'était la mienne, je savais qu'ensemble, ce serait le début d'une grande aventure!

Huit cents dollars! C'est le prix que j'avais payé (aidé un peu par papa...) pour ma Honda Civic 1976, manuelle, quatre vitesses, brune, deux portes, un peu de rouille et deux trous dans le tissu des portières. Elle était belle de sa laideur. Elle était petite et si puissante à la fois. Terminée la quête d'un transport avec le pouce en l'air, terminés les coups de pédales si gênants pour l'adolescent, terminées les sorties écourtées en raison d'un parent qui vient trop vite te chercher. Derrière le volant de ma «puce brune», sans aucune boisson, sans aucun narcotique, je flottais littéralement.

Que de souvenirs! Combien de fois ai-je conduit au bout de nulle part jusqu'à l'arrêt complet de ma cassette de Supertramp? Que dire des vitres buées par un excès de baisers prolongés? Que dire de toutes les discussions autour de ma tirelire en cochon, accrochée au tableau de bord, afin de recueillir les 10 sous du kilomètre que je chargeais... à mes amis... et mes soeurs? De toutes ces réparations mécaniques improvisées à la lueur d'une lampe de poche? De toutes ces heures passées au ciné-parc sans même me rappeler ni le début ni la fin du film? Si je devais ranger tous ces souvenirs dans une enveloppe, sur le dessus, j'y inscrirais deux mots: bonheur et liberté.

Maintenant, j'aimerais m'adresser à vous. À vous les jeunes. À vous tous, mes apprentis du volant. À vous qui, d'un tour de clé, acceptez cette nouvelle responsabilité qui rime si bien avec sécurité. Je vous souhaite une longue route. Je vous souhaite des paysages à couper le souffle. Je vous souhaite des moments de rires et de bonheur à rouler jusqu'aux petites heures. Je vous souhaite la liberté avalant chaque mètre de chaussée sous vos pieds. Je vous souhaite le soleil ou l'étoile, apparaissant sur votre route, comme fond de toile. Je vous souhaite le lit improvisé sur une banquette un peu humide par une chaude soirée d'été. Je vous souhaite de transformer des parkings en discussions de salon malgré les petites véhémences de la police en fonction. Je vous souhaite de découvrir des coins de pays qui n'attendent que votre venue et votre sourire épanoui.

Mais avant tout, je souhaite votre retour à la maison, en toute sécurité. Je souhaite pouvoir rire avec vous de ces aventures vécues que vous me raconterez. Je souhaite que la bulle de trop en fin de soirée ne vous empêche pas de céder le volant à votre ami qui a toute sa sobriété. Je souhaite que vous disiez non à ces départs canon. Je souhaite que votre orgueil prenne le bord et que si l'ami vous pousse à faire le con, qu'il y soit interdit de monter à bord.

Je souhaite pouvoir me coucher sans penser qu'au lendemain dans votre chambre je serai seul avec votre oreiller. Je souhaite savoir qu'à quatre vous partez et qu'à quatre vous reviendrez. Je souhaite qu'un jour ensemble, rassemblés, nous ouvrions notre enveloppe marquée: bonheur et liberté.

Longue route, en toute amitié.