J'ai été diagnostiquée avec un neuroblastome très jeune ­- j'avais à peine 6 mois, c'était en 1980. Mes chances de survie étaient assez minces (20%). Après quelques traitements de chimio et de radiothérapie, et deux chirurgies pour lesquelles ma mère a dû se battre (les médecins ne voulaient pas opérer, pour eux le jeu n'en valait pas la chandelle, la tumeur était trop étendue, et mon corps, trop petit), j'étais en rémission.

J'ai été diagnostiquée avec un neuroblastome très jeune ­- j'avais à peine 6 mois, c'était en 1980. Mes chances de survie étaient assez minces (20%). Après quelques traitements de chimio et de radiothérapie, et deux chirurgies pour lesquelles ma mère a dû se battre (les médecins ne voulaient pas opérer, pour eux le jeu n'en valait pas la chandelle, la tumeur était trop étendue, et mon corps, trop petit), j'étais en rémission.

Je n'ai jamais fait de rechute. J'ai toutefois grandi avec plusieurs séquelles. Rien de trop sévère, mais des séquelles tout de même assez importantes pour que je sois toujours différente des autres. Au primaire, les jeunes mal informés riaient de mon petit handicap (je porte encore à ce jour une orthèse tibiale, pour pied tombant et cheville paralysée), racontaient à qui voulait bien l'entendre que j'avais le sida (c'était dans les années 80, alors que cette maladie encore assez méconnue gagnait du terrain). À la fin du primaire, j'ai commencé à porter un corset pour freiner l'évolution de la scoliose causée par les traitements de chimio. J'étais encore plus différente et, selon certains «amis», je me «pensais fraîche parce que je portais un corset»! La chirurgie est devenue inévitable, et j'ai finalement passé un mois à l'hôpital et plusieurs mois en convalescence en troisième secondaire.

Mon cancer n'a duré que trois petits mois, il y a de ça plus de 30 ans. Il m'a toutefois accompagnée toute ma vie. Il a façonné la personne que je suis devenue, m'a forcée à vieillir plus rapidement que les autres jeunes de mon âge. Je ne le renie pas, je ne le regrette même pas: il fait partie de moi. Et, à 31 ans, cette personne, je l'aime bien (et de plus en plus).

Bien évidemment, je ne souhaite ce genre d'épreuve à personne. Surtout pas à ma fille de 3 ans, qui a une maman un peu hypocondriaque et qui s'inquiète trop rapidement des petits bobos quotidiens. Ni à mes parents, qui ont été si courageux alors qu'eux-mêmes étaient les jeunes parents d'une enfant atteinte de cancer, et qui seront «vieux» un jour. Je ne voudrais jamais les voir différents d'aujourd'hui, ayant surmonté les épreuves ensemble, heureux, accomplis, profitant de la vie.

Le cancer me fait peur, parce que je sais que ça n'arrive pas qu'aux autres. Plus les années et la recherche avancent, plus grandes sont les chances de survie. Mais j'ai déjà vu plusieurs de mes amis perdre un père, une mère ou - parfois, cauchemar encore pire - un enfant, décédé du cancer. Et l'état actuel de notre système de santé me fait prier tous les soirs pour qu'aucun de mes êtres aimés ne tombe subitement malade.

Comme mon médecin m'a récemment dit, «un moment donné, il faut lâcher prise. En vieillissant, on meurt du coeur, ou du cancer, mais il faut mourir de quelque chose». Il ne faut pas s'empêcher de vivre parce qu'un jour, nous allons mourir. Mais, tout en profitant de la vie, j'essaie de faire ma part pour que cette maladie soit un jour enrayée, quitte à mourir d'autre chose!

* Plusieurs lecteurs ont livré des témoignages touchants à la suite de la publication de la série

sur le cancer, signée Patrick Lagacé. Toutes les réactions sur cyberpresse.ca/place-publique.