À titre de citoyen estivant de la région de Lotbinière, j'ai cru de mon devoir de participer à la rencontre d'information sur l'exploitation des gaz de schiste le mardi 21 septembre, à Saint-Édouard. Comme je le soulignais ce soir-là, vous avez habité durant des années la maison où mon grand-père a élevé sa famille, et que je sache, il ne vous a pas légué un héritage qui aurait hypothéqué votre bonheur et celui de votre famille. Comme nous partageons donc un patrimoine commun, vous me permettrez de partager aussi quelques inquiétudes...

À titre de citoyen estivant de la région de Lotbinière, j'ai cru de mon devoir de participer à la rencontre d'information sur l'exploitation des gaz de schiste le mardi 21 septembre, à Saint-Édouard. Comme je le soulignais ce soir-là, vous avez habité durant des années la maison où mon grand-père a élevé sa famille, et que je sache, il ne vous a pas légué un héritage qui aurait hypothéqué votre bonheur et celui de votre famille. Comme nous partageons donc un patrimoine commun, vous me permettrez de partager aussi quelques inquiétudes...

Du côté de ma femme, les ancêtres de la famille Castonguay habitent la région depuis le XVIIe siècle. Il y a aujourd'hui dans cette famille plusieurs biologistes et... ingénieurs miniers. Cet été, comme bon nombre de nos concitoyens, nous nous sommes préoccupés des agissements de l'industrie gazière sur ce territoire que nous chérissons. Nous avons entrepris de nous informer et avons constaté les risques de la fracturation du sous-sol, vu le cocktail chimique utilisé et le peu d'études approfondies sur la question. Votre urgence à procéder nous a semblé suspecte. Sans être un militant écologiste avisé, j'ai voulu mardi dernier contribuer au débat.

À la suite de la difficile soirée que vous avez connue, vous laissez entendre à la population que des militants verts auraient monopolisé ce débat! Les citoyens présents à la réunion, qui n'ont pas les moyens de votre puissante industrie, savent pourtant bien qui a tenté de manipuler qui ce soir-là! C'est faire insulte à notre intelligence et preuve d'une mauvaise foi éhontée que de présenter les choses comme vous l'avez fait.

Vous inaugurez d'abord l'assemblée en manipulant avec soin un reportage télé témoignant du relatif succès d'une exploitation gazière dans le Nord de la Colombie-Britannique... située à des centaines de kilomètres de toute zone habitée. Heureusement, quelques citoyens avisés avaient aussi quelques reportages à citer, témoignant des catastrophes vécues récemment aux États-Unis, provoquées par une industrie réputée peu scrupuleuse, comme on sait, reconnue coupable de plus de milliers d'entorses à la loi sur l'environnement.

La très grande majorité des gens qui se sont exprimés étaient d'honnêtes citoyens de la région. Et si ces gens-là sont avisés, au point de passer à vos yeux pour des experts, c'est qu'ils se sont informés. S'ils ont manifesté leur colère, c'est que, comme le rapportait une fermière de Leclercville, ils ont vu les gens de l'industrie débarquer sur leur propre terre et procéder sans vergogne et sans permission, malgré un refus clairement exprimé de leur part, parfois même tout près des sources d'alimentation en eau potable, comme le rapportait le pépiniériste de Saint-Pierre-Les-Becquets.

Si le but de vos soirées d'information est d'écouter les gens, comme vous le prétendez, eh bien, écoutez-les et allez refaire vos devoirs! Si alors votre intention est de tenter, sous prétexte d'informer, de contrôler le questionnement normal de vos concitoyens, voire de désamorcer tout esprit critique, eh bien, c'est un échec. Dans un cas comme dans l'autre, force est d'admettre que pour l'heure, l'industrie n'a aucunement gagné la confiance de la population et qu'on aurait droit à un peu plus de sens commun avant de considérer qu'il faudra aller de l'avant dans les termes et les échéances que vous proposez.

Les gens de Leclercville, Lotbinière, Saint-Édouard, Saint-Pierre-les-Becquets, Deschaillons et des environs ne sont pas dupes. Ils se sont exprimés avec beaucoup de passion, mais aussi jugement et cohérence, avec ce fond de sagesse digne de la plus belle tradition populaire et de leur profond attachement à leur terre et à la qualité de leur eau! Il est malhonnête de laisser croire le contraire à la population.

Si on a tenté de contrôler le débat, c'est bien du côté de votre organisation. Avec quel charabia technique les experts qui vous accompagnaient ont tenté de rassurer. Les citoyens de la place ont constaté que les informations les plus claires provenaient plutôt des interventions des quelques rares experts en environnement heureusement présents. Comme si ceux-là étaient plus soucieux d'informer que de convaincre et conquérir.

Il serait de bon ton de la part d'un ancien grand commis de l'État comme vous, de souligner la valeur démocratique de l'exercice, plutôt que de dénigrer la qualité du débat qui a eu lieu. Bien sûr, les échanges ont été houleux, mais devant les tentatives de contrôle de la discussion que vous avez voulu imposer, vous comprendrez qu'on serait houleux à moins. Trop de questions demeurent sans réponse, dans ce chantier destiné à la vallée du Saint-Laurent, dans le coeur historique de la région agricole la plus habitée du Québec, pour que l'on laisse procéder sans mot dire. Trop de cas récents ont été rapportés, quant à la contamination des terres et de la nappe phréatique, notamment en Pennsylvanie, et au Wyoming le 6 septembre dernier, pour ne pas s'en inquiéter.

Entendons-nous bien: la majorité des citoyens n'est pas opposée à l'exploitation de la richesse, au développement économique et à la création d'emplois. Cependant, à l'instar des citoyens de l'État de New York, qui ont opté récemment pour un moratoire sur la question afin de protéger l'eau potable consommée par plus de neuf millions d'habitants, un consensus se dégage ici pour que l'on exige les études et les garanties nécessaires à ce que cette exploitation se fasse proprement, avec un minimum de risques. Une lettre signée au nom de 1 400 000 scientifiques a été envoyée récemment au président Obama pour appuyer la nécessité de ces études.

S'il y a un réel danger de contamination du sous-sol et des cours d'eau par le déversement de produits toxiques (que vos experts préfèrent appeler «additif chimique») , s'il y a des risques de fuites dans les puits de forage, d'explosions, d'incendies dans les forêts et les champs, et autres dévastations du paysage, n'y a-t-il pas lieu d'exiger que l'on étudie la manière d'exploiter cette richesse, voire d'élever le débat à la hauteur de la question globale de l'énergie au Québec?

Souhaitons que grâce aux inquiétudes manifestées par les citoyens, le gouvernement ait maintenant le courage de donner au BAPE le mandat suffisant afin qu'un réel débat, libre de toute manipulation, ait lieu ainsi que les études nécessaires à garantir une exploitation sécuritaire.

Ne sommes-nous pas tant redevables, comme société, aux bénéfices que nous avons su collectivement tirer de l'exploitation de notre richesse hydro-électrique? N'y a-t-il pas des leçons à tirer des échos de la sagesse populaire?

Espérons que votre saurez poursuivre votre chantier avec le sens de l'État auquel on s'attend de vous.