Jeudi, le premier ministre Stephen Harper a lancé le Canada dans un sprint final afin d'obtenir un siège au Conseil de sécurité. Dans un discours aux accents pearsonniens qu'on ne lui connaissait pas, le premier ministre est allé droit au but: «Cette assemblée devrait savoir que le Canada est éligible au Conseil de sécurité, a-t-il dit aux chefs d'État et de gouvernement réunis à l'occasion de l'ouverture des travaux annuels de l'Assemblée générale. Si nous sommes élus, nous sommes prêts à servir.» Il reste à voir s'il sera entendu.

Jeudi, le premier ministre Stephen Harper a lancé le Canada dans un sprint final afin d'obtenir un siège au Conseil de sécurité. Dans un discours aux accents pearsonniens qu'on ne lui connaissait pas, le premier ministre est allé droit au but: «Cette assemblée devrait savoir que le Canada est éligible au Conseil de sécurité, a-t-il dit aux chefs d'État et de gouvernement réunis à l'occasion de l'ouverture des travaux annuels de l'Assemblée générale. Si nous sommes élus, nous sommes prêts à servir.» Il reste à voir s'il sera entendu.

Le 12 octobre, le Canada sera en effet en compétition avec l'Allemagne et le Portugal pour l'obtention d'un des deux sièges de membre non permanents réservés à l'ensemble géographique Europe occidentale et Autres groupes. Chacun des 192 États membres dispose de deux votes. Il faut 128 votes ou les deux tiers des votants pour être élu. L'Allemagne obtiendra certainement un score appréciable, et le reste des votes se départagera entre le Canada et le Portugal. La dernière fois que le Canada s'est présenté en 1998, il avait remporté le siège avec 131 votes. Aujourd'hui, les diplomates canadiens pensent que le résultat sera bien plus serré.

Si la partie est loin d'être jouée pour le Canada, c'est essentiellement à cause du manque de visibilité de la politique étrangère du gouvernement conservateur. Le temps est loin où le ministre libéral Lloyd Axworthy parcourait le monde afin de promouvoir son programme sur la sécurité humaine. Après plusieurs années d'effort, le ministre s'était alors présenté devant l'ONU en octobre 1998 avec en poche un traité d'interdiction des mines antipersonnel et un autre créant la Cour pénale internationale.

Depuis quelques années, la politique étrangère a changé par rapport aux positions traditionnelles du Canada. Ottawa s'est considérablement rapproché de Washington et d'Israël. La sécurité humaine est une expression qui a disparu du vocabulaire, et les militaires ne font plus de maintien de la paix, mais participent à des guerres antiterroristes et anti-insurrectionnelles.

En y regardant de plus près, il n'y a là rien de particulier au Canada, plusieurs pays occidentaux ayant pris cette direction au lendemain du 11 septembre. Pourtant, nombreux sont les Canadiens à se demander si le Canada a sacrifié un héritage pour tenter d'en construire un autre. Si on écoute le discours de Stephen Harper de jeudi, on a pourtant la nette impression que le premier ministre ne renie pas l'idéalisme de Lester Pearson, cher à une écrasante majorité des Canadiens. À certains moments, le discours s'est fait vibrant et lyrique, jouant sur les cordes sensibles de l'attachement des Canadiens aux valeurs de l'universalisme et du multilatéralisme incarnées par l'ONU.

Le premier ministre s'est aussi voulu très concret. Il a rappelé ce que peu de Canadiens savent à propos de sa politique étrangère. D'ici mars, l'aide au développement aura doublé et l'aide à l'Afrique en particulier aura considérablement augmenté, deux objectifs qui font du pays un des leaders du G8. Le premier ministre a aussi rappelé qu'il avait convaincu ses homologues des grands États industrialisés d'adopter un vaste plan sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants afin d'atteindre un des objectifs du Millénaire de l'ONU pour le développement.

Septième contributeur au budget de l'ONU, le Canada consacre aussi des ressources humaines, matérielles et financières considérables au règlement des conflits et à la reconstruction en Afghanistan, au Soudan et à Haïti.

Cela suffira-t-il à convaincre les deux tiers des États membres de l'ONU de voter pour le Canada? Une élection semblable repose sur des influences politiques et diplomatiques qu'aucun des candidats en lice ne maîtrise complètement. Les pays arabes pourraient se rappeler les positions très pro-israéliennes de Stephen Harper. Les Africains se plaignent du désengagement du Canada, même si l'aide augmente. Le Brésil pourrait jouer la solidarité avec le Portugal et entraîner plusieurs pays latino-américains de son côté alors que bien des Européens voudront plaire au Portugal. Bref, le suspense va durer jusqu'à la dernière minute.

Le Canada peut gagner, mais il doit aussi se préparer à perdre.