Deux articles parus dans La Presse du 13 septembre ramènent dans les préoccupations politiques un dossier qui traîne depuis des années : celui du manque de logements au Nunavik. En 1997, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, alertée par le manque de services offerts aux enfants en besoin de protection, concluait une enquête longue de cinq ans en soulignant à gros traits que le surpeuplement des logements au Nunavik représentait une menace très lourde au développement et au bien-être des enfants.

Deux articles parus dans La Presse du 13 septembre ramènent dans les préoccupations politiques un dossier qui traîne depuis des années : celui du manque de logements au Nunavik. En 1997, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, alertée par le manque de services offerts aux enfants en besoin de protection, concluait une enquête longue de cinq ans en soulignant à gros traits que le surpeuplement des logements au Nunavik représentait une menace très lourde au développement et au bien-être des enfants.

Les travailleurs sociaux qui oeuvrent là-haut répètent aujourd'hui la même chose. On ne réglera rien de substantiel dans la vie des enfants inuits si les gouvernements, conformément aux obligations qui les lient par la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, ne répondent pas aux besoins pressants de ces communautés du Nord.

Les familles inuits vivent dans un environnement résidentiel toxique : leurs logements sont trop petits, surpeuplés, et ne répondent pas aux exigences d'une vie sédentaire qu'elles n'ont pas choisie. La littérature scientifique nous aura appris depuis déjà une bonne quinzaine d'années que le surpeuplement résidentiel a un impact important sur le développement des enfants. Leur santé physique en est gravement affectée : ils sont notamment plus vulnérables aux infections (y compris les otites à répétition) et aux maladies pulmonaires chroniques.

Sur le plan de leur bien-être psychologique, les enfants vivant dans ces conditions de surpeuplement sont plus nombreux à présenter des symptômes de détresse et des problèmes de contrôle de leurs comportements et d'apprentissage à l'école.

Également, les tout-petits vivant entassés dans des logements trop exigus performent moins bien aux tests de développement cognitif. Selon les recherches disponibles, ces retards seraient dus à ce que les parents ont tendance à moins interagir, donc à moins stimuler leurs jeunes enfants, dans un environnement surpeuplé, question de se protéger d'un envahissement constant.

La densité résidentielle jouerait également un rôle important dans les mauvais traitements subis par les enfants. Plusieurs études contemporaines font état d'une corrélation très élevée entre le surpeuplement du logement et la violence physique et les agressions sexuelles envers les enfants.

De fait, au moins une étude indique que le surpeuplement, lorsqu'il dépasse 1,5 personne par pièce, contribue significativement à la manifestation de mauvais traitements envers les enfants même en tenant compte de nombreuses autres conditions de vie difficiles des familles. Le fait de devoir vivre avec des adultes autres que ses parents augmente aussi les risques que l'enfant subisse des violences physiques ou sexuelles.

Les gouvernements savent. Ils ne peuvent pas prétendre à l'ignorance. La proportion d'enfants de moins de 17 ans dans la population est deux fois plus élevée au Nunavik que pour l'ensemble du Québec. Les gouvernements savent que les enfants inuits sont six fois plus à risques d'être signalés à la protection de la jeunesse que les autres enfants du Québec.

Les gouvernements savent que les services de protection seuls n'arriveront pas à colmater les brèches et encore moins à réduire le problème. Les gouvernements savent que ce phénomène et la détresse des communautés et des familles ne cessent de s'amplifier. Ils savent également que toutes ces dérives pourraient être grandement atténuées si on répondait correctement aux besoins légitimes et urgents des familles inuits en matière de logement.

Il manque 1000 logements pour les familles du Nunavik, mais bien sûr, il y a le Colisée de Québec...

* Camil Bouchard, professeur associé au département de psychologie de l'UQAM et membre du Centre de recherche sur les politiques et le développement social à l'Université de Montréal ; Delphine Collin-Vézina, titulaire de la chaire de recherche du Canada en protection de l'enfance à l'Université McGill ; Nathalie Morin, anthropologue au Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie (CRISE) de l'UQAM ; Jacinthe Dion, professeure au département des sciences de l'éducation et de psychologie de l'UQAC ; Gérard Duhaime, professeur au département de sociologie de l'Université Laval ; Marie-Claude Larrivée, consultante ; Francine Lavoie, professeure au département de psychologie de l'Université Laval ; Nathalie Morin, anthropologue au Centre de recherche et d'intervention sur le suicide et l'euthanasie (CRISE) à l'UQAM ; Michel Tousignant, directeur de l'Institut santé et société à l'UQAM ; André Lebon, consultant ; et Lucie Nadeau, médecin à la division de psychiatrie sociale et culturelle de l'Université McGill.