La potasse, «l'or rose» de l'Ouest, fait beaucoup jaser depuis que le géant australien BHP Billiton a déposé une offre hostile de 130$ l'action pour acquérir PotashCorp. La valeur de la transaction potentielle frôle les 40 milliards de dollars.

La potasse, «l'or rose» de l'Ouest, fait beaucoup jaser depuis que le géant australien BHP Billiton a déposé une offre hostile de 130$ l'action pour acquérir PotashCorp. La valeur de la transaction potentielle frôle les 40 milliards de dollars.

La Saskatchewan vient d'annoncer qu'elle engage le Conference Board du Canada à titre de consultant afin d'évaluer l'impact d'une acquisition étrangère de PotashCorp, quel que soit l'acheteur. De son côté, le conseil d'administration de PotashCorp transige avec d'autres acheteurs potentiels afin d'offrir quelques alternatives à ses actionnaires et ainsi faire monter les enchères. La Chine, le plus grand importateur de potasse au monde, est aussi de la partie. Sinochem, un conglomérat chinois dont certaines filiales transigent déjà avec PotashCorp, discute présentement avec plusieurs banques afin de contrer l'offre de BHP Billiton.

Même si PotashCorp ne change pas de mains, cette offre hostile de BHP Billiton signifie que l'ordre mondial en agriculture est en pleine mutation.

La demande mondiale de grains augmente de façon exponentielle. Les Chinois font face à un problème de taille. Bien que la Chine soit le domicile d'environ 22% de la population mondiale, elle n'a accès qu'à seulement 11% des terres arables. L'Inde fait aussi face à la même problématique. Sa population augmente de 19 millions d'habitants par année et deviendra le pays le plus peuplé du monde d'ici 2025.

Pire encore, plusieurs consommateurs qui résident en Chine et en Inde auront les moyens, comme les Occidentaux, de substituer les grains qu'ils consomment pour des protéines. Produire un kilogramme de poulet nécessite huit kilogrammes de grains. Par conséquent, la demande de fertilisant, dont la potasse est un ingrédient, est en hausse partout dans le monde, car les agriculteurs cherchent à augmenter la performance de leurs récoltes. Il n'existe aucun substitut à la potasse, et plus de 30 % des dépôts mondiaux de potasse résident en Saskatchewan. PotashCorp est de loin le plus grand producteur de potasse au monde, avec 23 % de la production.

Puisque la potasse est extraite sur des terres de la Couronne, une telle transaction pourrait vraisemblablement influer sur les coffres publics. Cette année, la Saskatchewan percevra environ 200 millions de dollars en royautés avec l'extraction de la potasse. C'est à peine 2 % des revenus de la province, mais en 2008-2009, durant la crise alimentaire, les redevances avaient dépassé 1,3 milliard.

Pour le Canada, la vente de PotashCorp ne compromettra aucunement notre capacité de produire. Le Canada n'a pas vraiment besoin de potasse puisque nous retrouvons ce minéral en abondance dans l'Ouest canadien où la majorité des grains sont récoltés. Ce sont des marchés comme la Chine, l'Inde et le Brésil qui ont besoin de ce précieux minéral. De plus, la potasse appartient aux Canadiens et non à une entreprise. C'est une nuance de taille. Peu importe qui achète PotashCorp, l'acquéreur devra payer des redevances au Canada. C'est le devoir des gouvernements saskatchewanais et canadien de s'assurer que la potasse se vendra le plus cher possible pour financer les réseaux de santé et programmes sociaux.

L'offre de BHP Billiton s'inscrit dans une mouvance de libéralisation complète des échanges agricoles qui permettra à plusieurs économies de produire efficacement, incluant celle du Canada. Chaque économie se positionne selon ses besoins stratégiques et économiques. Le Canada se doit de considérer cette offre comme étant un vote de confiance à l'égard de ce que nous pouvons offrir à l'agriculture mondiale.

Par contre, il faut tout de même demeurer prudent. Si PotashCorp est vendue, le meilleur scénario ne sera pas nécessairement dicté par le meilleur offrant. En considérant les enjeux systémiques de la potasse, il est difficile de croire en quoi un conglomérat chinois qui chercherait à acheter de la potasse à moindre prix serait bénéfique pour le Canada.

PotashCorp est déjà voué à un avenir prometteur, sans acquisition. Mais si nous voulons vendre de «l'or rose» à valeur ajoutée, le Canada doit se doter d'un courtier stratégique qui créera une meilleure synergie entre l'offre et la demande. BHP Billiton est bien positionné pour le devenir, à certaines conditions.