Les conséquences économiques, sociales et politiques des inondations qui viennent de ravager le Pakistan seront à la hauteur des dégâts dont on peine encore à mesurer l'ampleur.

Les conséquences économiques, sociales et politiques des inondations qui viennent de ravager le Pakistan seront à la hauteur des dégâts dont on peine encore à mesurer l'ampleur.

Au-delà des nombreux morts, les observateurs n'ont pas suffisamment prêté attention à l'impact économique de cette catastrophe qui fait de ces inondations un phénomène bien différent d'un séisme, d'un cyclone ou d'un tsunami.

Au total, plus de quatre millions d'hectares de surface cultivable ont été submergés et rendus en tout ou en partie improductifs à court ou moyen terme. À cela s'ajoute la perte de plus de 125 000 têtes de bétail. De nombreuses centrales électriques sont à reconstruire, comme bien des ponts et des routes. Ce bilan très approximatif conduit à penser qu'il faudra des mois, voire des années pour effacer les traces du désastre. Résultat, non seulement le Pakistan - qui était déjà en proie à une grave crise économique et financière ; le pays ne venait-il pas de recevoir un prêt exceptionnel de 8 milliards de dollars du FMI? - va non seulement être pénalisé dans ses exportations (notamment de coton, faute de récoltes et faute d'usines), mais risque de devoir importer des denrées de première nécessité (ce qui n'empêchera pas les prix alimentaires d'augmenter étant donné l'état de pénurie).

Le grand perdant de cette catastrophe naturelle est bien sûr le président Azif Ali Zardari. Celui-ci n'aura pas pris la mesure de la colère suscitée par sa tournée européenne, qu'il a poursuivie comme si de rien n'était alors que son pays était sous les eaux. S'il a prétendu que sa visite en France et en Grande-Bretagne visait à lever des fonds pour venir en secours aux premières victimes, il s'agissait surtout pour lui de mettre son fils de 21 ans, étudiant à Oxford, sur orbite au moyen d'un meeting qui n'a finalement pas eu lieu.

L'autre perdant, de façon plus relative, sera probablement le premier ministre Youssouf Raza Gilani. Non seulement parce qu'il appartient au parti du président, le PPP, mais aussi parce qu'il était resté fidèle au poste pour orchestrer les secours que l'administration a été incapable de coordonner de manière efficace. L'État est aujourd'hui la cible de toutes les critiques, tant l'incurie du système politico-administratif (souvent accusé de corruption) paraît grande.

Les gagnants sont d'abord à rechercher du côté, premièrement, de l'armée, la principale force du pays qui, sur le terrain, a mené les opérations de premier secours avec la discipline qu'on lui connaît, et deuxièmement des groupes islamiques. Il faut se garder ici de tout amalgame et ne pas confondre les ONG islamiques rompues à l'action caritative - tant il est vrai que les chrétiens n'ont pas le monopole de la charité - et les groupes islamistes. Ceux-ci n'en demeurent pas moins experts en matière d'aide d'urgence. Ils disposent pour cela de militants dévoués et de moyens logistiques (et financiers).

En venant en aide aux populations en détresse, comme ils l'avaient déjà fait en 2005 à la suite du séisme du Cachemire, ils gagnent en popularité, voire en légitimité. Reste à voir si l'impact politique ainsi analysable à chaud trouvera une traduction dans les urnes ou dans la rue. Rien n'est moins sûr, tant que l'armée tient le pays.

* Ancien directeur du Centre d'études et de recherches internationales de Sciences Po à Paris, l'auteur est un politologue français qui a rédigé plusieurs ouvrages sur le Pakistan et l'Inde.