Le conflit afghan fait partie de ce que certains spécialistes appellent les guerres nouvelles, des conflits insolubles ou presque portant non pas sur la création d'États, peu en importe la forme, mais plutôt sur le contrôle de ressources naturelles en demande sur les marchés internationaux.

Le conflit afghan fait partie de ce que certains spécialistes appellent les guerres nouvelles, des conflits insolubles ou presque portant non pas sur la création d'États, peu en importe la forme, mais plutôt sur le contrôle de ressources naturelles en demande sur les marchés internationaux.

La plupart de ces conflits se déroulent dans des États n'ayant pas les assises nécessaires pour faire face à la volonté de certains acteurs politiques. Dans tous ces conflits, derrière des justifications idéologiques, ethniques, nationalistes ou religieuses, se déroule une lutte pour le contrôle d'une denrée dont la vente à l'extérieur des frontières permet de financer les combats.

Ces conflits sont très longs, violents et difficiles à régler, ce qui explique pourquoi le Canada, malgré l'insistance de ses alliés, doit se retirer d'Afghanistan.

Contrairement à la perception générale, le conflit afghan n'oppose pas uniquement un groupe de rebelles ayant une idéologie fondamentaliste au gouvernement mis en place par les Occidentaux à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Il ne s'agit pas d'un conflit entre modernité et fondamentalisme ni de guerre de civilisation et encore moins de la construction d'un État, à tout le moins dans le sens occidental du terme.

Le conflit dans lequel se trouve l'OTAN est en réalité une guerre civile nouveau genre qui, bien qu'ayant des racines lointaines, a pour objet le contrôle d'une ressource produite localement et écoulée sur les marchés internationaux, l'opium.

Ce conflit met en opposition plusieurs factions dont l'une est une coalition fragile et mouvante d'intérêts divergents dans laquelle se côtoient, outre les forces de l'OTAN, d'anciens expatriés qui y sont associés (pensons au président Amid Karzaï), des chefs de guerre, des trafiquants de drogue, d'anciens talibans et autres organisations non gouvernementales.

Face à cette coalition se trouve une multitude d'acteurs souvent regroupés, à tort, sous le vocable de talibans. Il s'agit plutôt d'une nébuleuse fluide regroupant des fanatiques religieux, des bandits en tous genres, des trafiquants de drogue, d'autres chefs de guerre, des groupes ethniques en révolte. Il va sans dire que les limites séparant ces deux groupes sont très perméables et que les alliances changent, mais l'objectif demeure le même: le contrôle de la ressource opium.

Dans ce cadre, l'État n'est qu'un moyen de s'approprier des richesses dont le revenu revient à des acteurs privés. Contrairement aux guerres de libération des années 1950-1970, l'objectif n'est pas de construire une société civile, mais plutôt de maintenir la mainmise de groupes armés privés sur la production d'opium. Tant que le flot monétaire sera maintenu et que l'opium sera disponible, il sera facile pour n'importe quel belligérant d'engager des «talibans à dix dollars».

Le cas afghan est d'autant plus difficile à résoudre qu'il existe d'autres sources de financement pour ce conflit. En premier lieu vient le soutien direct d'autres pays. L'OTAN subventionne le gouvernement Karzaï, via l'effort de guerre, par la construction d'infrastructures ou encore par des subventions pour le développement. Le Pakistan et l'Iran financent quant à eux l'insurrection et le premier offre un sanctuaire aux combattants. Ce financement international, outre le fait qu'il nourrit le conflit, contribue lui aussi à séparer les belligérants de la population. Pour se battre, plus besoin du support de la population ni de sa production alimentaire ou même des réseaux d'échange locaux. Il faut plutôt avoir de bonnes connexions avec l'étranger et une capacité à canaliser les fonds en provenance de l'extérieur afin de financer la guerre.

En deuxième lieu, l'aide humanitaire et les ONG qui s'y rattachent sont d'excellentes sources de financement. En Afghanistan, les chefs de guerre locaux chargent des montants exorbitants tant pour la protection des convois d'aide, que pour celle d'employés internationaux et infrastructures, un système dans lequel ceux qui offrent des services de sécurité sont parfois associés aux attaquants.

L'aide alimentaire et matérielle est également source de revenus. Si le détournement de celle-ci est un moyen évident, il ne faut pas oublier combien le fait que les donateurs s'occupent de la population enlève aux belligérants la responsabilité de satisfaire les besoins primaires de celle-ci. Dans le cas afghan, des terres qui devraient par exemple être dédiées à la production de denrées alimentaires peuvent donc être utilisées pour produire de l'opium. Dans cette optique, la victimisation de la population est même rentable puisqu'elle attire l'oeil des caméras et donc, plus d'aide humanitaire.

Face à ces nombreuses sources de revenus, le coût de la guerre, pour les insurgés, est minimal: le matériel et l'entraînement sont peu coûteux, ce qui permettra aux belligérants, dont l'objectif n'est que de maintenir leur mainmise sur la violence afin de pouvoir contrôler le trafic d'opium, de continuer à combattre tant que l'argent en provenance de l'étranger continuera à entrer.

Devant un tel conflit, le Canada fait très bien de se retirer en 2011. Même si par miracle l'OTAN et ses alliés afghans gagnaient, l'État ainsi construit en serait un dépendant et corrompus par les flux monétaires internationaux. Pour cette raison, il est à parier que les alliés de l'OTAN, malgré l'objectif de 2014, vont suivre l'exemple canadien.