Ce texte est écrit par un collectif de jeunes inquiétés par les récentes ambitions gouvernementales d'investir dans le marché des jeux de hasard en ligne et, surtout, d'en faire la publicité.

On apprenait la semaine dernière que le gouvernement du Québec mettait sur pied un comité d'experts sur le jeu en ligne afin de suivre à la loupe les diverses conséquences négatives que pourrait avoir l'invasion de Loto-Québec dans le monde virtuel du jeu en ligne. Cette annonce en cachait une autre, prévisible, mais hautement questionnable. Il s'agit d'une offensive publicitaire afin de s'approprier 30% du marché virtuel au Québec. Les dés sont pipés en faveur de la société d'État: cette dernière ne reculera pas afin de rendre cette opportunité économique la plus rentable possible.

Lorsque, il y a quelques mois, Loto-Québec et le ministre des Finances, Raymond Bachand, annonçaient qu'ils allaient offrir des services de loterie tel le poker en ligne sur internet, nous avions déjà de nombreuses craintes quant à cette nouvelle mesure. Au premier chef, nous étions inquiets pour la jeunesse. Il va sans dire que le monde virtuel est l'apanage de cette dernière et qu'elle est aussi vulnérable que les autres générations aux problématiques reliées au jeu. Selon un sondage de l'Institut de la statistique du Québec, les jeunes jouent de plus en plus au poker, principale manne du jeu en ligne. Nous nous sommes alors demandé: est-ce que ce nouveau «service gouvernemental» va ajouter au problème, et ainsi rendre un nombre plus important de jeunes dépendants au jeu en ligne? Va-t-il légitimer le jeu en ligne, le banaliser?

Déjà, du côté de l'Institut national de la santé publique du Québec, on croit que «l'augmentation de l'accessibilité sera importante» et que «le recrutement de nouveaux joueurs en ligne est probable». Cela, avant que le président de Loto-Québec, Alain Cousineau, déclare le 9 juillet dernier qu'il allait utiliser «des armes similaires» à celles des futurs compétiteurs «pour faire sa place au soleil». Ainsi, M. Cousineau annonce un véritable battage publicitaire, où il nous apparaît impossible de cibler seulement les joueurs actuels sans attirer de nouveaux membres de notre génération dans ce piège. Car si le but déclaré de Québec est de tirer le tapis sous les pieds des plates-formes illégales de jeu en ligne et non de renflouer les coffres de l'État, il nous apparaît maintenant impossible de penser que cette mesure ne recrutera pas de nouveaux joueurs. Rajoutons également l'argument voulant que le jeu en ligne soit l'endroit où il est le moins possible d'avoir un «contrôle» sur le jeu pathologique.

Des revenus pour l'État, des dépenses pour les jeunes

Le ministre Bachand parle avec enthousiasme du jeu en ligne, qui pourrait générer des recettes allant jusqu'à 50 millions de dollars en trois ans, et rappelle l'énorme dividende versé chaque année au trésor québécois par Loto-Québec. Néanmoins, ne perdons pas de vue que cette industrie est bien loin de créer de la richesse et de générer une «plus-value». Elle crée davantage de pauvreté et engendre de nombreux problèmes sociaux, et les profits tirés du jeu ne sont rien de plus que des taxes déguisées. Si l'étatisation des jeux de hasard est un mal nécessaire dans le but de décriminaliser cette industrie, il est loin d'être souhaitable que Loto-Québec en profite, à renfort de grands coups publicitaires, pour presser le citron et traquer sa future clientèle.

Ayons l'ambition de diminuer la dépendance aux jeux de hasard pour les prochaines générations québécoises plutôt que de s'adapter à cette «nouvelle clientèle» et lui offrir la dépendance sur un plateau d'argent. Le gouvernement peut compter sur diverses sources de revenus, plus responsables et sans un coût social élevé. Surtout, rejetons ce défaitisme face aux jeux de hasard: tout n'a pas encore été mis en oeuvre pour tenter de contrer les plates-formes illégales de jeu en ligne.

*Karina-Maryse Auger, Alexandre Banville, Andrée-Anne Bouvette-Turcot, Émile Grenier-Robillard, Yanek Lauzière-Fillion, Martine Leblanc-Constant, Gabrielle Lemieux, Christine Normandin, Guillaume Raymond, Vincent Roy, Frédéric St-Jean, Alexandre Thériault-Marois et Julien Verville.