L'annonce par le maire de l'arrondissement Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, de la création de nouveaux obstacles à la circulation automobile dans son quartier, est présentée comme un geste progressiste, y compris par François Cardinal, en éditorial de La Presse (25 juin 2010). En réalité, il s'agit d'abord et avant tout de l'aboutissement de l'embourgeoisement du quartier, en cours depuis trois ou quatre décennies.

L'annonce par le maire de l'arrondissement Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, de la création de nouveaux obstacles à la circulation automobile dans son quartier, est présentée comme un geste progressiste, y compris par François Cardinal, en éditorial de La Presse (25 juin 2010). En réalité, il s'agit d'abord et avant tout de l'aboutissement de l'embourgeoisement du quartier, en cours depuis trois ou quatre décennies.

La mesure, telle que proposée, verra Laurier Est devenir sens unique vers l'est depuis Saint-Laurent; des portions de rues, notamment sur Christophe-Colomb, verront leur sens inversé; d'autres rues seront rétrécies... On veut ainsi détourner la circulation qui transite par l'axe Christophe-Colomb vers Papineau et Saint-Denis.

Il y a quelques années, Christophe-Colomb était un des axes nord-sud les plus fluides de la ville. Les pressions successives de la nouvelle clientèle aisée du Plateau auront réussi au fil des ans à freiner la circulation de transit jusqu'à, désormais, l'empêcher complètement.

Sociologie 101: cette affaire n'est pas foncièrement différente de celle qui a vu Ville Mont-Royal, dans les années 60, clôturer son territoire pour empêcher les Montréalais d'y pénétrer. Un ghetto pour les riches. De Ville Mont-Royal à Plateau-Ville-Mont-Royal...

Entendons-nous: la mesure proposée sera bénéfique à une partie de la population qui, pour paraphraser François Cardinal, a bien le droit de «prendre son apéro sur son balcon de l'avenue Christophe-Colomb». Ces gens auront été de bons investisseurs: ils ont acheté en toute connaissance de cause une maison sur une voie passante, payant forcément un prix en conséquence. Ils ne pourront qu'applaudir à l'avènement de leur plus value.

Entre-temps, on va rediriger la circulation chez les moins riches, ceux qui habitent les logements moins chics de Saint-Denis ou de Papineau, et qui verront augmenter le bruit, la pollution et la congestion évacués du Plateau. Il se trouve que ceux-là n'ont pas le même pouvoir d'influence sur la politique municipale que leurs concitoyens des abords du parc Lafontaine.

Ne nous surprenons pas si aucun parti politique municipal ne voudra s'opposer aux intérêts du Plateau. Car il s'agit en passant du ghetto de la classe médiatique, le quartier où se forme l'opinion.

Ne parlons pas de l'intérêt des automobilistes, que la bien-pensance actuelle interdit d'invoquer. Mais les mesures proposées sur le Plateau sont en opposition directe avec les intérêts des habitants de quartiers comme la Petite-Patrie, Villeray ou Ahuntsic qui ont à se déplacer vers le sud.

Ce qui est pathétique, c'est que l'on tente de présenter comme une mesure d'urbanisme éclairé ce qui n'est rien d'autre qu'une stratégie d'accaparement territorial d'un quartier central par des bien-nantis et ce, au détriment de l'intérêt général de la Cité.