Mon fils a franchi le cap des 50 ans et je livre ici un message aux familles dont un de leurs membres est atteint d'un handicap sévère.

Mon fils a franchi le cap des 50 ans et je livre ici un message aux familles dont un de leurs membres est atteint d'un handicap sévère.

Je le fais à titre de père d'un enfant lourdement handicapé par la paralysie cérébrale dès sa naissance, mais aussi dans l'espoir de procurer aux personnes handicapées une meilleure qualité de vie et un parcours conforme à leur dignité.

Au début des années 60, le Québec n'offrait pas ou peu de ressources pour permettre à une personne handicapée de vivre dans son milieu familial. Je l'ai vite constaté.

Pour obtenir des services appropriés pour mon fils, j'ai participé au sein de l'Association de paralysie cérébrale du Québec à ce que j'appelle une révolution pour les personnes handicapées, durant les années 70.

Par nos revendications et nos luttes, le Québec de cette période a vécu l'émergence du transport adapté, les services à domicile, les foyers de groupe, l'élaboration de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, la naissance de l'Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ), etc.

Aujourd'hui, je constate malheureusement que le bilan de l'OPHQ, après plus de 30 ans d'existence, est peu reluisant sur l'évolution des conditions de vie des personnes handicapées.

J'attribue cette stagnation à la mauvaise définition du rôle de l'Office ainsi qu'au manque de dynamisme des intervenants qui ont pris la relève pour la défense des personnes handicapées.

Le rôle fondamental de l'OPHQ se doit de s'assurer que la législation soit bien appliquée. Il doit agir comme l'ombudsman de la personne handicapée, tantôt comme protecteur, tantôt comme promoteur.

Pour y arriver, l'OPHQ ne doit pas dépendre d'un ministère en particulier. Elle doit relever d'une autorité supérieure, donc directement de l'Assemblée nationale au même titre que le Vérificateur général ou le Protecteur du citoyen.

Dans tous les ministères concernés par la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, l'Office devrait jouer au chien de garde en matière d'intégration. Partout, elle rappellerait l'obligation d'appliquer cette loi: aux professionnels, aux architectes, aux entrepreneurs en construction, aux propriétaires d'immeubles, aux syndicats, aux communautés d'affaires, aux villes et municipalités, etc.

Aussi, son rôle de promoteur doit se traduire par un appel à la collaboration entre les associations de personnes handicapées à accomplir certaines actions, dont celle de dresser l'inventaire des difficultés rencontrées par cette population. Chaque année, elle devrait présenter devant l'Assemblée nationale l'évolution de son sort.

Un autre changement s'impose: déménager le siège social de l'OPHQ.

Les membres du conseil d'administration sont pour près de la moitié des hauts fonctionnaires, dont les bureaux se trouvent près des ministères, à Québec.

L'Office doit donc se rapprocher des autorités de qui elle dépend, donc du gouvernement, surtout qu'elle doit maintenir des relations avec plusieurs ministères et organismes paragouvernementaux.

Dans la même veine, l'Office devrait servir de modèle pour les personnes handicapées à la recherche d'un emploi. Je m'explique mal pourquoi seulement 13 de ses quelque 132 employés (statistiques d'octobre 2009), soit environ 10%, sont des personnes handicapées.

Les personnes les mieux qualifiées sont souvent celles vivant avec un handicap et qui bénéficient des services d'un centre de réadaptation dans les grands centres urbains. Pourquoi ne pas se rapprocher d'une université et profiter d'une faculté de recherche pour travailler étroitement avec des professionnels en réadaptation?

Ce fut une grave erreur d'établir l'OPHQ à Drummondville. Elle se trouve éloignée de ses partenaires gouvernementaux, des chercheurs de la santé et de sa clientèle première, les personnes handicapées du Québec.

Par leur cheminement professionnel, par leurs exploits sur les grandes scènes du sport ou du spectacle, les personnes handicapées exercent une riche influence sur la société.

À son retour à la Chambre des communes après avoir subi l'amputation de sa jambe gauche, Lucien Bouchard a reçu de multiples témoignages saluant son courage, et ce, même de ses adversaires politiques. Comment ne pas évoquer les cinq médailles d'or de Chantal Petitclerc aux Jeux paralympiques de Pékin? Qui pourrait contester la détermination du chanteur Martin Deschamps?

Tous ces modèles de persévérance créent un impact inestimable sur la population. Or, la mise en valeur de leurs ressources doit devenir la préoccupation, non pas d'un seul individu mais de toute une société, à commencer par son élite et ses décideurs politiques.

Ce n'est pas à Lucien Bouchard, Chantal Petitclerc et Martin Deschamps de jouer ce rôle; ils ont déjà leur propre préoccupation et leur vie à gagner.

À titre de société, nous devrions ajouter une meilleure préoccupation collective à la détermination individuelle des personnes handicapées. Nous en retirerions d'immenses bénéfices.

* L'auteur est le père d'un enfant lourdement handicapé par la paralysie cérébrale. Il a publié l'ouvrage «Une révolution inachevée» dans lequel il lance une réflexion et des pistes de solution pour améliorer les conditions de vie des personnes handicapées au Québec.