En accueillant le monde entier pour SA coupe du monde, l'Afrique du Sud se présente comme la nation «arc-en-ciel», riche de sa grande diversité ethnique et culturelle. Que cette image traduise effectivement la réalité du pays est une autre histoire, mais cela amène à se demander dans quelle mesure les 32 équipes participant à la phase finale constituent des images fidèles de la diversité des pays qu'elles représentent, notamment par rapport à leur population immigrée. On peut en effet penser que l'accession à cette vitrine du pays qu'est l'équipe nationale est un signe fort de l'intégration de ces immigrants. En d'autres mots, la Coupe du monde 2010 est-elle jouée par des équipes arc-en-ciel?

En accueillant le monde entier pour SA coupe du monde, l'Afrique du Sud se présente comme la nation «arc-en-ciel», riche de sa grande diversité ethnique et culturelle. Que cette image traduise effectivement la réalité du pays est une autre histoire, mais cela amène à se demander dans quelle mesure les 32 équipes participant à la phase finale constituent des images fidèles de la diversité des pays qu'elles représentent, notamment par rapport à leur population immigrée. On peut en effet penser que l'accession à cette vitrine du pays qu'est l'équipe nationale est un signe fort de l'intégration de ces immigrants. En d'autres mots, la Coupe du monde 2010 est-elle jouée par des équipes arc-en-ciel?

Le cas du pays hôte est particulier. Si l'équipe de rugby, les Springboks, est presque uniquement composée de Blancs, c'est exactement l'inverse pour l'équipe de soccer, les Bafana Bafana. Il semble toutefois que, comme en 1995, tout le pays est en train de se ranger derrière une équipe qui est en fait mono-ethnique, comme en a témoigné l'engouement populaire autour du match d'ouverture.

Quand on parle de représentativité des populations immigrées, on pense bien sûr aux équipes européennes, dont le portrait ethnique s'est beaucoup diversifié ces dernières décennies. Les sélections française et anglaise comprennent depuis longtemps de nombreux joueurs nés de parents originaires d'Afrique ou des Caraïbes. Ces équipes ne sont toutefois pas tout à fait fidèles aux populations qu'elles représentent, puisqu'on ne trouve cette année aucun Français d'origine arabe. Et chez les Anglais, aucun joueur originaire d'Asie du Sud (Inde, Pakistan, Sri Lanka). Les Pays-Bas comptent également depuis la fin des années 80 des équipes multiethniques, avec des joueurs vedettes originaires des Indes néerlandaises ou du Surinam, comme les célèbres Gullitt, Rijkjard ou Seedorf. Cela a souvent donné lieu à de fortes tensions au sein de l'équipe, tensions qui ont souvent nui à son rendement sur le terrain.

Le cas de l'Allemagne est peut-être le plus intéressant. Si la Mannschaft a longtemps été très homogène, sa nouvelle génération comprend des joueurs d'origine turque, africaine et est-européenne, et même un Brésilien. Quant au Portugal, il compte depuis longtemps des joueurs des Canaries, des Îles du Cap-Vert ou, bien sûr, des naturalisés brésiliens. De son côté, l'Italie ne comprend pas de descendants d'immigrés, pas plus que la formation espagnole présente en Afrique du Sud. Pour finir ce tour d'horizon non exhaustif, les Grecs comptent dans leurs rangs un tchèque, et un Chypriote d'origine turque, le premier des deux risquant d'ailleurs, au vu de son match de samedi dernier, de ne plus voir d'action d'ici la fin du tournoi.

Il n'est pas possible ici de passer en revue toutes les équipes, mais on peut tout de même constater une tendance récente à l'augmentation du nombre de joueurs nés en dehors du pays, ou descendants d'immigrants. Cette tendance est rafraîchissante car elle traduit les profondes mutations des pays représentés, mais cette apparente ouverture ne se répercute pas forcément sur les comportements dans les sociétés en question. Plusieurs d'entre elles demeurent en effet aux prises avec d'importants problèmes d'intégration de leur population immigrée, notamment en ce qui concerne le marché du travail.

Un succès ou un bon parcours en Coupe du monde a néanmoins pour effet de calmer, au moins pour un certain temps, les tensions internes et de cimenter autour d'une équipe victorieuse et ethniquement diverse une identité nationale parfois difficile à cerner.

* L'auteur est professeur au département de géographie et coprésident de l'Observatoire de géopolitique de la Chaire Raoul Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'UQAM. Amateur de soccer de longue date, il a collaboré au livre Géopolitique de la Coupe du monde de football 2010 qui vient de paraître aux éditions du Septentrion.