Si l'on se fie aux réactions empressées et émotives des leaders indépendantistes, à la suite du dépôt par le gouvernement Charest de son projet de loi visant à se conformer au jugement de la Cour suprême du Canada qui invalide certaines dispositions de la loi 104 en matière de droits linguistiques, on se croirait dans une société à la pensée unique où le nationalisme et la loi 101 ont statut de religion dont l'infaillibilité ne peut être contestée que sous peine d'excommunication.

Si l'on se fie aux réactions empressées et émotives des leaders indépendantistes, à la suite du dépôt par le gouvernement Charest de son projet de loi visant à se conformer au jugement de la Cour suprême du Canada qui invalide certaines dispositions de la loi 104 en matière de droits linguistiques, on se croirait dans une société à la pensée unique où le nationalisme et la loi 101 ont statut de religion dont l'infaillibilité ne peut être contestée que sous peine d'excommunication.

Cet unanimisme étouffant et conformiste, par ailleurs peu soucieux de la primauté du droit, ne vise qu'à exploiter l'insécurité linguistique à des fins exclusivement politiques et partisanes. Cette façon de faire déraper le débat a l'avantage d'éviter d'aborder les enjeux réels, à savoir les droits linguistiques protégés par la Charte canadienne des droits et libertés et le rôle des tribunaux de protéger les citoyens contre l'État lorsque leurs droits sont remis en question.

En ces matières sensibles, inutile de dire que la démagogie n'a pas sa place. Une question si délicate (la survie du français) mérite un traitement beaucoup plus circonspect. Dans le contexte du débat sur ce qu'est devenue l'obsession linguistique, il faut toujours se garder de jeter de l'huile sur le feu. L'alarmisme en ces matières n'est jamais souhaitable.

On devrait se féliciter qu'un système impartial de justice appliquant la Constitution fasse primer les droits et libertés sur l'arbitraire de l'État, plutôt que de s'empresser à condamner le «pouvoir des juges» et remettre en question la légitimité de la primauté du droit, pièce fondatrice de notre démocratie.

Tout gouvernement responsable vivant dans un État de droit a l'obligation de se conformer aux jugements de son tribunal de dernière instance, même s'il est en désaccord avec la décision rendue. Même George W. Bush acceptait, comme il se devait, les décisions de sa Cour suprême avec lesquelles il était pourtant souvent en désaccord profond.

Comment par ailleurs condamner une décision qui réitère que les droits linguistiques des minorités francophones et anglophones du Canada, d'un bout à l'autre du pays, se doivent d'être placés au-dessus des manoeuvres politiciennes ? Le fédéralisme canadien reconnaît et protège les droits des minorités. La Charte des droits et libertés a fait en sorte d'enchâsser dans la Constitution canadienne les droits collectifs des minorités linguistiques d'un bout à l'autre du pays.

On peut certes tenter de régler une situation problématique, mais pas par une solution qui fera en sorte de brimer du même coup des droits protégés pour d'autres citoyens. On ne peut boucher un trou en érigeant devant lui un mur d'une hauteur sans commune mesure avec la grosseur du trou, et ainsi créer des injustices collatérales. La cour a rappelé avec justesse l'importance de ne jamais perdre cela de vue lorsqu'on affecte les droits de tiers innocents.

Il y a lieu de s'interroger si les leaders indépendantistes disent vrai lorsqu'ils prétendent qu'une charte des droits et libertés formerait l'un des piliers d'un Québec indépendant. En effet, les mêmes considérations juridiques que celles analysées par la Cour suprême dans sa décision sur la loi 104 y seraient toujours de mise. Un Québec indépendant épris des droits et libertés ne pourrait en arriver à une solution qui ferait fi des protections constitutionnelles qu'il devrait accorder à sa minorité linguistique.

Si l'on se fie aux réactions épidermiques et ethniques des Pauline Marois et Pierre Curzi au projet de loi Courchesne, on peut résolument conclure qu'au nom de la nation, ceux-ci n'hésiteraient pas à s'autoriser à défier à la fois l'autorité des tribunaux et les protections constitutionnelles en faveur des minorités linguistiques. Ce serait triste qu'au nom de la pureté nationale, on soit si peu soucieux de la diversité.