Une fois de plus, l'immigration se retrouve à l'avant-plan de l'actualité, en raison, cette fois, du sévère diagnostic que pose le vérificateur général sur la sélection des travailleurs qualifiés. Si ces critiques sont amplement justifiées, il serait déplorable qu'on en prenne prétexte pour condamner sans appel la gestion du dossier de l'immigration par le Québec.

Une fois de plus, l'immigration se retrouve à l'avant-plan de l'actualité, en raison, cette fois, du sévère diagnostic que pose le vérificateur général sur la sélection des travailleurs qualifiés. Si ces critiques sont amplement justifiées, il serait déplorable qu'on en prenne prétexte pour condamner sans appel la gestion du dossier de l'immigration par le Québec.

Ce n'est qu'à la fin des années 60 que le Québec s'est doté d'un ministère de l'Immigration. En 1978, il obtenait des responsabilités déterminantes dans le choix de ses immigrants. En 1991, il obtenait la responsabilité exclusive des programmes d'intégration. Ces deux ententes ont été conclues à des moments cruciaux des relations Québec-Canada: entre l'élection du Parti québécois de 1976 et le référendum de 1980 pour la première, et après l'échec de l'Accord du lac Meech pour la seconde.

Ces coïncidences ne sont pas fortuites. Dans les deux cas, cela a contribué à apaiser les velléités souverainistes du Québec en cédant des pouvoirs dans un domaine marginal, mais très symbolique. Les autorités fédérales se sont ainsi retirées, sans doute avec un soupir de soulagement, d'un secteur où elles avaient fait la preuve, pendant plus d'un siècle, de leur incapacité à produire des résultats capables de répondre aux attentes des francophones: même au Québec, l'immigration francophone ne constituait que la portion congrue des admissions.

En 1990, le Québec s'est doté d'un énoncé de politique qui assignait des objectifs précis à l'immigration: contribuer au redressement démographique, à la pérennité du français et à la prospérité économique. Vingt ans plus tard, quels sont les résultats à ces égards?

Démographie: pour la première fois depuis des lustres, l'Institut de la statistique écarte, dans ses prévisions de long terme, le spectre du déclin de la population. L'immigration y a contribué de manière significative.

Pérennité du français: en 2009, 69% des immigrants admis connaissaient le français alors que ce n'était que 29% en 1980. Depuis 1977, les transferts linguistiques favorisent le français à 72%; avant cette date, cette proportion n'était que de 37%.

Sur le plan de la prospérité économique, les résultats sont plus préoccupants. Les immigrants admis au Québec connaissent des difficultés importantes: leur taux de chômage est élevé et leur taux d'emploi est faible, notamment si on compare leur situation à celle qui prévaut dans le reste du Canada. Mais la problématique de l'intégration des immigrants au Québec est peu comparable à celle qui est vécue ailleurs en Amérique du Nord. Au moins quatre «circonstances atténuantes» sont à considérer.

1. En intégration, l'expérience historique du Québec francophone est toute récente: à peine trois décennies si on se reporte à la loi 101, moins de deux si on considère le transfert des responsabilités par le fédéral. Au Canada anglais et aux États-Unis, l'immigration fait partie des mythes fondateurs de la nation.

2. Les immigrants admis au Québec au cours des dernières années proviennent, pour la plupart, de bassins relativement nouveaux. Ils ne bénéficient pas des réseaux auxquels ont accès les immigrants qui viennent se joindre à des communautés d'implantation plus anciennes.

3. Un grand nombre d'immigrants admis ces dernières années proviennent de la francophonie, tout comme nombre d'immigrants admis ailleurs au Canada proviennent du Commonwealth. Or, c'est à ce dernier ensemble que le Québec appartient depuis plus de deux siècles et demi, et non pas au premier. La distance socioculturelle entre les immigrants originaires de la francophonie et la société québécoise est nécessairement plus marquée.

4. Entre 1980 et 2004, le Québec a accueilli en moyenne 30 500 immigrants. Au cours des cinq dernières années, cette moyenne est passée à 45 600. Pour la composante économique (dont les travailleurs qualifiés constituent la majeure partie), la hausse a été de 86%.

Les perspectives démographiques justifiaient peut-être une telle croissance du volume des admissions, mais les difficultés de tous ordres qui ne pouvaient manquer d'y être liées ont vraisemblablement été sous-estimées par les autorités, non seulement du ministère, mais du gouvernement lui-même.

À cet égard, ce qu'a révélé le vérificateur général ne constitue peut-être que la partie visible de l'iceberg.