Marguerite Martineau, ma mère, est décédée l'été passé. Ce dimanche est la première fête des Mères que je célèbre sans elle. Ma mère, avec qui j'ai toujours vécu, était plus qu'une mère pour moi: c'était ma confidente, ma complice, ma partenaire d'affaires. À 86 ans, si fragile, elle était devenue mon enfant. Celle dont j'aimais prendre soin. Celle qui me manque chaque jour.

Marguerite Martineau, ma mère, est décédée l'été passé. Ce dimanche est la première fête des Mères que je célèbre sans elle. Ma mère, avec qui j'ai toujours vécu, était plus qu'une mère pour moi: c'était ma confidente, ma complice, ma partenaire d'affaires. À 86 ans, si fragile, elle était devenue mon enfant. Celle dont j'aimais prendre soin. Celle qui me manque chaque jour.

La perte d'un être cher nous laisse démunis, sans voix. Les mots n'arrivent pas à traduire la présence douloureuse et obsédante de l'absence.

Ma mère est partie avec une partie de mon âme.

Sur la photo, dans les bras de maman, j'ai 6 ans. Nous sommes à Fabreville. Autour de nous, ce paysage, dont nous aimions tant évoquer le souvenir, n'existe plus. Je pense à une réflexion de François Mauriac pour un ami disparu. Il a, disait-il, emporté avec lui cette odeur de nos étés à la campagne dont je suis le seul à présent à connaître le secret.

Comme Émile Nelligan, moi aussi je pleure en voyant ma mère, si belle, si resplendissante. Les années s'accélèrent et des images se télescopent. Je la revois aux derniers jours de sa vie, son corps rongé par le temps. Et je relis le Sermon sur la mort: «Qu'est-ce que cent ans, qu'est-ce que mille ans, puisqu'un seul moment les efface.»

Née en 1923, ma mère était riche de la mémoire d'une autre époque. Autrefois, disait-elle, au parc LaFontaine, il y avait des gondoles et quand une fille se promenait les épaules nues, des policiers lui posaient une collerette en papier (ce qui nous faisait bien rire!).

Elle me parlait de son chum de 16 ans, enrôlé dans l'armée pour combattre à Casa Berardi. De son mariage avec papa dans une église aujourd'hui transformée en condos. Elle évoquait la rue De Lorimier autrefois barrée par une glacière, qu'on avait démolie pour construire le pont Jacques-Cartier, qui s'appelait du Havre.

Du plus lointain des abîmes du passé, elle ramenait à la lumière des bribes de vie.

Au-delà des anecdotes, ma mère me parlait de ma famille, des ancêtres. Ensemble, on fouillait nos racines pour remonter l'arbre généalogique et je voyais apparaître des hommes, des femmes, épris de bonheur, défaits par les échecs, toujours brûlants d'espérance. Ils étaient encore vivants. C'étaient les miens. Ma mère était le coeur qui me confond à leur roman.

Le 9 juillet, maman m'a quittée. Je m'ennuie d'elle, de nos conversations, de nos rires, de nos larmes. S'il est vrai qu'aimer c'est donner l'éternité à l'autre, ma mère survit dans l'immortalité de mon amour qu'avive mon infini chagrin.