Débrancher ou non? À lire le reportage dans La Presse du 26 avril, on a l'impression d'être sans repère au Québec face à cette question. Nous aimerions revenir sur la réflexion menée au Collège des médecins du Québec, à laquelle il est fait allusion dans le journal, et qui permet un peu plus d'optimisme.

Débrancher ou non? À lire le reportage dans La Presse du 26 avril, on a l'impression d'être sans repère au Québec face à cette question. Nous aimerions revenir sur la réflexion menée au Collège des médecins du Québec, à laquelle il est fait allusion dans le journal, et qui permet un peu plus d'optimisme.

Un médecin peut-il imposer à un patient de demeurer sous respirateur? À moins d'exception, la réponse est non. Au Québec comme ailleurs, les repères sont maintenant très clairs à l'égard de l'acharnement thérapeutique. Le refus de traitement est un droit reconnu, aussi bien dans le Code de déontologie des médecins que dans le Code civil.

Selon que les soins sont urgents, médicalement requis ou non et selon que le patient est majeur et apte à prendre des décisions ou non, les modalités peuvent varier, mais les médecins doivent obtenir le consentement des patients pour toute intervention et respecter leur décision en cas de refus. Quand il s'agit d'un refus de traitement, le médecin ne peut être accusé d'euthanasie parce qu'il arrête le respirateur.

Qu'en est-il si c'est le patient ou ses proches qui «s'acharnent» à poursuivre les traitements alors que le médecin les juge «futiles»? Les repères sont moins clairs. À notre connaissance, il n'existe aucune juridiction où le droit est reconnu pour les patients d'exiger des traitements. Sur le plan de l'éthique professionnelle, il existe par ailleurs un consensus pour dire que les médecins ne sont pas tenus de prodiguer des soins qu'ils jugent inappropriés d'un point de vue médical. Ce qui laisse une large place à l'interprétation.

Est-ce à dire que les médecins pourraient ultimement décider, sans l'accord du patient ou de ses proches, de cesser des soins essentiels à la vie comme un respirateur? Certains le pensent et de plus en plus d'organismes médicaux proposent des grilles décisionnelles encourageant les décisions consensuelles, mais permettant aux médecins de procéder en cas de désaccords persistants. Ce n'est pas l'interprétation que nous avons privilégiée au terme de notre réflexion. Le processus décisionnel opérant en situation clinique nous est apparu beaucoup trop complexe et dynamique pour être interrompu de cette façon.

En situation clinique, le médecin offre les soins qu'il juge le plus objectivement possible appropriés d'un point de vue médical. Le patient reste évidemment celui qui décide. Pour des raisons subjectives aussi bien qu'objectives, il accepte, refuse ou demande autre chose que les soins proposés. Face à cette réaction, le médecin demeure toutefois responsable des actes qu'il posera. Il accepte de donner suite à la demande, refuse ou propose autre chose, auquel cas la dynamique reprend.

En fait, les prises de décisions sont multiples. On les souhaite les plus consensuelles possible, mais elles ne le sont pas toujours. Chacun y participe à sa façon, en assumant ses responsabilités propres. L'idée ici n'est pas de poursuivre des discussions sans fin et sans égard aux coûts. Il s'agit plutôt d'entreprendre les discussions le plus tôt possible. En cas de désaccords persistants, il nous semble préférable d'exclure toute prise de décision unilatérale de la part des médecins quant aux soins qui seront effectivement prodigués.

Par contre, on devrait leur reconnaître le droit, sous conditions, notamment celle d'assurer le suivi, de refuser de participer personnellement à des soins qu'ils jugent médicalement inappropriés ou auxquels ils s'objectent pour des raisons morales. Voilà de nouveaux repères, dont il faudrait discuter publiquement.

Avec les développements de la médecine, de plus en plus de décès découlent d'une prise de décision. Mais au Québec, nous avons déjà fait beaucoup de chemin concernant le processus décisionnel dans le domaine des soins. Nous avons certains repères. D'autres restent à trouver.

* Médecins, les auteurs sont respectivement président-directeur général et conseillère en éthique clinique du Collège des médecins du Québec.