Cinquante ans après la Révolution tranquille, le Québec n'a pas amélioré sa position économique face au reste de l'Amérique du Nord. Notre richesse mesurée par le PIB per capita se situe toujours à 89% de la moyenne canadienne, soit légèrement plus bas qu'en 1960. Ce sur-place collectif explique peut-être la frustration croissante des Québécois face à la performance de leur économie et le sentiment d'immobilisme qui marque l'opinion publique depuis une dizaine d'années.

Cinquante ans après la Révolution tranquille, le Québec n'a pas amélioré sa position économique face au reste de l'Amérique du Nord. Notre richesse mesurée par le PIB per capita se situe toujours à 89% de la moyenne canadienne, soit légèrement plus bas qu'en 1960. Ce sur-place collectif explique peut-être la frustration croissante des Québécois face à la performance de leur économie et le sentiment d'immobilisme qui marque l'opinion publique depuis une dizaine d'années.

Jeudi dernier, à l'invitation de SECOR et de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, quelque 300 personnes ont consacré une journée entière à chercher comment sortir de cet état chronique de sous-performance. Nous ne visions pas la formule magique qui libérerait soudainement le dynamisme intrinsèque caché quelque part dans les entrailles de la société québécoise. Nous voulions plutôt semer les graines d'un renouveau du discours public, autour de trois thèmes: le capital humain comme source de croissance, le rôle de l'État et la contribution des entreprises.

En ce début du XXIe siècle, le rôle critique que joue le capital humain dans le développement économique est universellement reconnu, et derechef au Québec. Pourquoi alors le Québec tolère-t-il depuis des décennies l'un des taux les plus élevés de décrochage scolaire d'Amérique du Nord, voire du monde industrialisé? Cette faille structurelle de la société québécoise condamne son économie de demain à la médiocrité.

La même posture de déni s'observe face à l'immigration, perçue dans le discours comme la solution de notre crise démographique. Mais le taux de chômage chez les immigrants est deux fois plus élevé qu'en Ontario. Comment réconcilions-nous le fait que nous faisons plus d'efforts que toute autre province pour attirer des immigrants ici, alors que nous sommes parmi les pires pour les intégrer sur le marché du travail?

Ces contradictions nous amènent à négliger des éléments fondamentaux d'un développement éclairé. Si nous ne réussissons pas à attaquer ces failles à la source, il est illusoire de penser que nous sortirons le Québec des ornières dans lesquelles son économie est enlisée. La solution passe par une prise de conscience qu'il s'agit de problèmes de société qui nous interpellent tous, et de l'importance de s'y attaquer en priorité.

Les gouvernements - tout palier confondu - prennent beaucoup de place dans l'économie québécoise. Leurs revenus représentent 46% du PIB, leurs achats de biens et de services, 27% du PIB, la différence étant des transferts des contribuables vers les individus et les entreprises. La majeure partie du 27% de dépenses en biens et services reflète l'important rôle que se sont attribué les gouvernements dans la livraison de services publics. Sans remettre en cause les objectifs sous-jacents, nous devons examiner s'il n'y a pas de meilleures façons que par les grandes bureaucraties gouvernementales, pour livrer ces services.

D'autres sociétés, tels la France et les pays scandinaves, laissent une place beaucoup plus grande à l'entreprise privée pour livrer les services publics, du transport urbain aux soins de santé, ce qu'elles font très efficacement tout en atteignant encore mieux que le Québec les objectifs sous-jacents de redistribution économique et de justice sociale.

La société québécoise devrait avoir la maturité de réexaminer ses façons de faire. À la fin de la rencontre, jeudi, chaque participant a pris un engagement personnel pour semer les germes d'une nouvelle révolution tranquille au Québec.

La prochaine étape est d'élargir le cercle de discussion. Les participants de la semaine dernière - un tiers de gens d'affaires, un tiers de personnes venant du milieu associatif et parapublic, et un tiers constitué de jeunes de moins de 40 ans - ne représentaient pas tous les segments de la société. (Le mouvement syndical y était absent et l'économie sociale était sous-représentée.). S'ouvrir donc tout en laissant de côté les listes d'épicerie, énumération des revendications de chacun.

La société québécoise dispose d'atouts nombreux, mais fait face à des problèmes de fond, que la myopie du discours public quotidien relègue à l'arrière-scène. Il est temps de changer nos priorités et de s'y attaquer ensemble pour créer un Québec riche de ses savoirs et de ses énergies.