Pour Barack Obama, un succès à l'arraché en entraîne un autre.

Pour Barack Obama, un succès à l'arraché en entraîne un autre.

Quelques jours à peine après le vote historique qui a permis la promulgation de la loi sur l'assurance-santé dont il avait fait l'enjeu principal de sa politique intérieure, le président américain remporte son plus important succès tangible, en matière de politique internationale cette fois. Washington et Moscou ont enfin annoncé une entente sur les termes d'un nouveau traité de réduction importante des arsenaux nucléaires stratégiques des deux protagonistes de la guerre froide.

Depuis des mois, des exigences supplémentaires de Moscou en bloquaient la finalisation. Deux longues conversations téléphoniques entre MM. Obama et Medvedev, suivies de la visite d'Hillary Clinton à Moscou le 18 mars, n'avaient pas encore levé un obstacle persistant.

Le nouveau traité qui sera signé dans les prochaines semaines réduira à 1550 le nombre des charges nucléaires opérationnelles des deux parties, et plus important encore, le nombre de vecteurs permettant leur lancement sera réduit de moitié, soit de 1600 à 800. À l'époque de la guerre froide, les premières se chiffraient dans les 10 000 et les seconds, à près de 3000.

Après les échecs politiques rencontrés avec Israël et l'Iran, ce succès est important pour M. Obama en ce qu'il lui permet de renouer avec les grands objectifs idéalistes du début de sa présidence. Pour éviter de sanctionner indéfiniment une inégalité colossale entre les États signataires, le Traité de non-prolifération de l'arme nucléaire de 1968 stipulait que ceux qui en étaient déjà détenteurs devaient réduire leurs arsenaux et tendre (sans échéance précise, bien sûr) à leur élimination. C'est cette disposition qui avait été pratiquement oubliée, que M. Obama a voulu mettre à l'ordre du jour avant son voyage à Moscou de juillet dernier. Il avait indiqué qu'à terme, l'exemple donné par les deux principales puissances nucléaires leur permettrait mieux de presser les plus petites (y compris Israël) de réduire le leur dans un mouvement incitatif qui légitimerait davantage les exigences américaines de non-accès à l'arme nucléaire par l'Iran et autres aspirants.

Un succès était d'autant plus urgent que M. Obama avait convoqué depuis l'an dernier un «sommet sur la sécurité nucléaire» qui doit se tenir à Washington du 10 au 15 avril prochain et réunir plus de 40 États, et qui doit être suivi d'une conférence internationale sur le renforcement de la non-prolifération. L'absence d'un accord avec Moscou aurait enlevé tout élan à ces grands événements.

Sachant fort bien qu'en situation de faiblesse relative, Obama avait grand besoin d'afficher un résultat, la Russie laissait planer l'incertitude sur l'accord afin d'obtenir des avantages supplémentaires.

Tel qu'il est, l'accord lui est déjà très favorable. Un grand nombre de ses missiles stratégiques sont devenus désuets et auraient dû être mis au rebut de toute façon, sans qu'elle ait les moyens de les remplacer. La nouvelle limite très basse de leur nombre permet donc à la Russie de maintenir la parité avec Washington. Elle aurait voulu que le nouveau traité impose des limites relativement précises aux projets américains de défense antimissiles. Elle considère que la capacité de dissuasion des missiles qui lui resteront pourra être graduellement réduite sans leur limitation. Elle n'a pas les capacités de mettre les États-Unis dans une situation similaire.

Moscou a dû se contenter de la mention dans le traité d'une interdépendance entre les deux systèmes d'armements et d'une disposition qui pourrait lui permettre de s'en retirer avec préavis si elle estimait sa sécurité menacée par des circonstances nouvelles. M. Obama a pu faire comprendre à ses interlocuteurs russes que le Sénat américain ne ratifierait jamais (à majorité requise des deux tiers) un traité leur faisant trop de concessions sans contreparties comparables.

Depuis des mois, la Russie laissait entendre qu'elle se joindrait à des sanctions à l'égard de l'Iran, à défaut d'accord sur le contrôle de son uranium enrichi. Elle voyait là une des contreparties implicites qu'elle offrait. Il reste à voir si elle fera en sorte comme dans le passé, que le Conseil de sécurité de l'ONU en reste à des sanctions minimales, très en deçà de ce que recherche Washington. Il y a toutes les chances qu'elle demeure pour M. Obama une partenaire très coriace.