La plupart des gens savent intuitivement qu'il est avantageux de maintenir une agriculture forte et diversifiée. Cela va de soi, répondrait la grande majorité des citoyens, pour qui le slogan «Pas de nourriture sans agriculture» est on ne peut plus simple, clair et consensuel.

La plupart des gens savent intuitivement qu'il est avantageux de maintenir une agriculture forte et diversifiée. Cela va de soi, répondrait la grande majorité des citoyens, pour qui le slogan «Pas de nourriture sans agriculture» est on ne peut plus simple, clair et consensuel.

Peu de citadins savent toutefois à quel point l'agriculture est un moteur économique important pour le Québec et ses régions. Outre sa vocation nourricière et ses fonctions d'occupation, de protection et d'entretien du territoire, l'agriculture est en effet une force économique indéniable.

Quelque 174 000 emplois dépendent de l'agriculture et de la transformation alimentaire, deux secteurs intimement liés qui, année après année, contribuent à hauteur d'environ 12,9 milliards de dollars au PIB québécois tout en permettant à l'État d'engranger plus de 3,9 milliards en taxes et impôts divers.

Cette contribution exceptionnelle, qui assure notamment la vitalité socioéconomique de quelque 600 villes et villages au Québec, est toutefois menacée. La diminution du nombre de fermes au Québec, comme ailleurs au Canada, est en effet une tendance lourde qu'il importe de renverser dès maintenant. En 2010, alors que plus de 8000 fermes sont disparues du paysage québécois ces 20 dernières années, nous croyons que la question se pose de façon urgente: «Pas d'agriculture sans relève agricole»? La réponse, c'est: effectivement.

À l'heure actuelle, qu'il s'agisse de ventes d'entreprises existantes ou de nouvelles entreprises, on compte au Québec chaque année entre 600 et 700 nouvelles fermes. Ces centaines de jeunes entrepreneurs ne comblent toutefois pas les quelque 1000 fermes qui, chaque année, cessent leurs activités en raison, notamment, du manque de relève. En clair, le Québec perd entre 300 et 400 fermes par année.

Le gouvernement québécois a bien tenté, en toute bonne foi, de renverser la vapeur en 2005 alors que le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) lançait le premier volet de sa politique jeunesse consacré à l'établissement et à la relève agricole. Le document, s'il prévoyait effectivement des initiatives somme toute intéressantes pour améliorer la situation, manquait toutefois de bagou au niveau de la cible (25 fermes additionnelles par année pendant cinq ans) et ne prévoyait aucun suivi particulier quant au succès des mesures prévues.

En 2009, un nouveau plan d'action 2009-2013 était annoncé, proposant essentiellement de poursuivre les actions entreprises en 2005... objectif chiffré en moins. Encore une fois, le document ne proposait aucun suivi pour mesurer l'impact des initiatives. Difficile, dans un tel contexte, d'évaluer si les montants consentis annuellement sont à la hauteur de la tâche. On peut toutefois en douter en vertu de la tendance observée ces dernières années.

À l'aube d'une toute première politique agricole et agroalimentaire québécoise, comme nous le privilégions dans notre vision «Le pouvoir de se nourrir» (https://blogue.upa.qc.ca/), nous croyons qu'il y a lieu d'aller plus loin en mettant la relève agricole au coeur même du projet.

Nous estimons, en effet, qu'il est grand temps de mettre en place une véritable politique jeunesse en agriculture, reconnue et ambitieuse, dotée d'objectifs mesurables et accompagnée d'un soutien financier suffisant pour maintenir le nombre de fermes au Québec, c'est-à-dire entre 300 et 400 entreprises additionnelles par année. Une telle politique devrait, selon nous, s'appuyer sur des mesures touchant à la fois les jeunes de la relève, dynamiques et prêts à relever le défi, tout comme ceux qui, au cours des prochaines années, pensent quitter la profession.

Cette double préoccupation est importante dans la mesure où deux grandes problématiques se confrontent: d'une part, la difficulté d'accès aux capitaux pour les jeunes et, d'autre part, les fonds nécessaires aux producteurs qui songent à la retraite. Sur ce dernier élément, plusieurs producteurs préfèrent investir dans leur entreprise plutôt que d'économiser pour leurs vieux jours, une tendance confirmée par Statistique Canada.

Or, il existe un fossé majeur entre la valeur de vente des fermes et leur valeur économique réelle. En moyenne, le prix convenu lorsqu'une ferme change de main représente en effet entre 40% et 60% de la valeur économique réelle de l'entreprise pour s'ajuster à la capacité de payer (et de s'endetter) de la relève. Cette réalité influence de beaucoup la décision de vendre son entreprise, souvent en deçà de sa valeur économique réelle, ou de la démanteler, une solution plus profitable dans certains cas.

Une approche réfléchie et concertée doit donc être adoptée, réunissant les efforts de la jeune génération qui désire s'établir, de celle qui prépare sa retraite, des intervenants du secteur agricole et, surtout, de l'État.

Plus spécifiquement, cette approche devra renforcer les initiatives existantes au niveau de la formation, de l'appui technique et financier à la relève non familiale, des ressources administratives en région et de la valorisation de la profession. Elle devra aussi miser sur la création de nouveaux incitatifs fiscaux, sur l'introduction d'outils favorisant auprès des producteurs une meilleure planification financière, juridique et humaine de leur retraite en vue de la vente éventuelle de leur entreprise et sur la mise en place d'une veille statistique et stratégique couvrant les principaux aspects de la situation de la relève au Québec... les idées sont nombreuses, tout comme les besoins.

C'est pourquoi nous lançons un appel en faveur d'un véritable «réflexe jeunesse», prioritairement au MAPAQ, mais également dans tous les ministères et organismes du gouvernement québécois touchant de près ou de loin la relève agricole.

Il est impératif que toutes ces instances prennent systématiquement en considération les préoccupations des jeunes dans l'ensemble de leurs projets et actions. Il en va bien simplement de l'avenir de notre agriculture et de notre capacité collective au Québec à assurer notre propre sécurité alimentaire.