«À nous le podium!» C'est lorsque ce cri de ralliement s'est transformé en un programme cohérent de support aux athlètes que tout a changé. Les sceptiques ont été confondus. Le talent canadien a finalement pu s'exprimer pleinement et se faire reconnaître sur la scène mondiale.

«À nous le podium!» C'est lorsque ce cri de ralliement s'est transformé en un programme cohérent de support aux athlètes que tout a changé. Les sceptiques ont été confondus. Le talent canadien a finalement pu s'exprimer pleinement et se faire reconnaître sur la scène mondiale.

Maintenant que nous avons pris goût à la gloire olympique, adoptons un objectif encore plus ambitieux... À nous les Nobel!

Depuis la création de la Fondation Alfred Nobel en 1900, les Canadiens se sont illustrés en chimie (Michael Smith, Rudolph Marcus, Sidney Altman, John Polanyi, Gerhard Herzberg, William Giauque), en science économique (Robert Mundell, Myron Scholes, William Vickrey), en physique (Willard Boyle, Bertram Brockhouse, Richard Taylor), en médecine (David Hubel, Charles Huggings, Frederick Banting), dans la promotion de la paix (Lester B. Pearson, conférences de Pugwash) et en littérature (Saul Bellow).

On constate immédiatement des lacunes. Pas de francophone, pas d'autochtone, pas de femme dans cette liste, mais ce genre de sous-représentation n'est pas typiquement canadien. Pas de physiciens non plus.

Au total, seulement 18 Canadiens ont été honorés à Stockholm, ce qui nous relègue au dixième rang mondial. Le géant américain est en tête de liste, pas de surprise, mais la taille n'explique pas tout. Ainsi, la Suède, la Suisse, l'Autriche, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège et la Belgique réussissent mieux que le Canada, en proportion de leur population.

Bien entendu, il ne suffit pas de compter les médailles pour rendre compte de la performance intellectuelle du Canada. Il faut aussi tenir compte des publications scientifiques, des brevets et des fonds de recherche. Ici encore, nos résultats laissent à désirer.

En 2006, le Conseil des académies canadiennes réalisait une vaste étude sur l'état de la science et de la technologie au pays. Les experts et les analyses bibliométriques concordent. Nous sommes bien positionnés dans les médias, la santé circulatoire et respiratoire, l'optique, la télédétection, l'astrophysique, la bioscience nanométrique et la gestion.

En contrepartie, nous perdons du terrain dans plusieurs secteurs clés. Le rapport souligne un recul en océanographie, en chimie organique, en sociologie, en sciences de l'éducation, en sciences du sol, en ingénierie industrielle, organique et nucléaire, et même en dentisterie. Dans ces domaines, nous sommes loin du podium.

L'innovation scientifique est plus qu'un point d'honneur. C'est le principal moteur du développement économique et de la création d'emploi au pays. Quelles politiques publiques peuvent favoriser les découvertes scientifiques et la valorisation du savoir? À quoi ressemblerait un programme À nous les Nobel?

Les idées ne manquent pas, et les différents paliers de gouvernement ont déjà fait un bel effort pour poser les fondations d'une véritable politique scientifique. Nos universités et hôpitaux emploient des milliers de chercheurs et forment la prochaine cohorte. Nos meilleures têtes sont honorées par la Société royale du Canada. Nous disposons déjà d'agences subventionnaires autonomes, dont le CRSH, le CRSNG et l'IRSC. Elles permettent de financer une partie des projets les plus prometteurs.

Quand Jean Chrétien était premier ministre, le gouvernement a créé de nouveaux programmes structurants. Malgré la controverse Ottawa–Québec, les Bourses du millénaire ont renforcé les programmes provinciaux d'accès à l'éducation postsecondaire. Les chaires de recherche du Canada ont ralenti l'exil des cerveaux et attiré des chercheurs de pointe au pays. La Fondation canadienne pour l'innovation a permis de construire les laboratoires et des infrastructures de recherche. Il aurait fallu continuer sur cette lancée.

Malheureusement, le gouvernement Harper n'a guère fait preuve de leadership en la matière. Depuis octobre 2008, notre ministre d'État à la science et à la technologie est Gary Goodyear, un chiropraticien de Cambridge. Sitôt nommé, il mettait en doute les fondements de la biologie moderne en présentant la théorie de l'évolution comme une simple affaire de croyance religieuse. On se croirait au Kansas!

Pis encore, l'arrivée du ministre marquait le sabrage dans les programmes d'appui à la science. La Fondation des Bourses du millénaire est démantelée. Le financement des agences a été réduit ou détourné pour financer des angles de recherche «stratégiques» imposée par l'administration actuelle. Le CRSH n'accorde plus de dégrèvements de cours pour donner du temps de recherche aux universitaires. Certes, les chaires survivent, mais pour combien de temps encore?

Ce recul est d'autant plus choquant qu'en même temps, l'administration Obama injectait des milliards dans la recherche scientifique pour surmonter le retard des années Bush et pour étoffer son plan de relance économique. La crise actuelle est l'occasion idéale pour réinvestir dans nos infrastructures scientifiques. L'excellence de nos athlètes est belle, et noble, et inspirante. Donnons aussi à nos chercheurs les moyens d'émerveiller le monde.