M. le premier ministre, l'Association québécoise des agences de vins, bières et spiritueux (AQAVBS) tient à vous faire part de sa grande préoccupation face aux mesures que le gouvernement entend prendre dans la foulée du dernier rapport de la Table québécoise de la sécurité routière, notamment en ce qui concerne l'abaissement du taux légal d'alcoolémie pour conduire.

M. le premier ministre, l'Association québécoise des agences de vins, bières et spiritueux (AQAVBS) tient à vous faire part de sa grande préoccupation face aux mesures que le gouvernement entend prendre dans la foulée du dernier rapport de la Table québécoise de la sécurité routière, notamment en ce qui concerne l'abaissement du taux légal d'alcoolémie pour conduire.

Peu importe que cela soit ou pas une mesure administrative, qu'il y ait ou pas des sanctions, des points d'inaptitude ou des amendes. Nous savons fort bien que cela pourrait changer dans un an ou deux, comme l'a d'ailleurs clairement annoncé le président de la Table, Jean-Marie de Koninck. Plutôt que de débattre des mérites d'une mesure spécifique (la réduction du taux d'alcoolémie à 0,05), l'AQAVBS pense que nous serions mieux avisés de nous demander: «Avons-nous, avec les lois actuelles, fait tout en notre pouvoir pour améliorer le bilan sur les routes du Québec en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies?» Pour nous, la réponse est non.

Aujourd'hui, le gouvernement préconise l'établissement d'une mesure administrative réduisant la limite légale de 0,08 gramme par 100 millilitres de sang à 0,05 gramme. Il soutient que cette mesure pourrait réduire le nombre de morts et de blessés sur les routes. Or, selon une étude rendue publique, parmi les conducteurs décédés ayant consommé de l'alcool, 10% avaient entre 0,01 et 0,049 mg d'alcool dans le sang, 6% avaient entre 0,05 et 0,08 mg, 26% avaient entre 0,081 et 0,160 mg et la plus grande proportion, soit 58%, avaient plus de 0,160 mg.

À la lumière de ces données, et puisque le réel problème est plutôt la présence d'un noyau relativement restreint de gros buveurs qui n'hésitent pas à conduire après avoir bu de grandes quantités d'alcool, l'AQAVBS s'interroge sur l'efficacité de la réduction de la limite légale de 0,08 à 0,05, alors que le Québec a sensiblement amélioré sa performance en matière de conduite en état d'ébriété au cours des 20 dernières années sans abaisser cette limite.

Comme l'a maintes fois indiqué Éduc'alcool, dont l'AQAVBS est membre, il existe des mesures dont on est absolument certain de l'efficacité. Parmi elles, la perception qu'on a moins de chances de s'en sortir sans se faire arrêter, les programmes de formation obligatoires des serveurs des établissements licenciés, la notoriété des sanctions et le fait de mettre le sujet à l'ordre du jour du débat public.

Ces mesures ont d'ailleurs été entièrement reprises par la Table québécoise de la sécurité routière dans son rapport de 2007. Il s'agit des recommandations 6, 7 et 8 du premier rapport. Elles n'ont pas vu le début d'une mise en oeuvre. Et c'est cela qui est inquiétant. Le gouvernement québécois a donc, en pratique, abandonné l'usage d'étapes essentielles et efficaces: les programmes de serveurs ne sont pas obligatoires, aucune grande campagne de sensibilisation n'a été déployée récemment et, à l'exception de la période des Fêtes, il est devenu de connaissance commune que les chances de se faire arrêter sont fort minces. Il n'est donc pas surprenant que les effets de la loi actuelle s'estompent graduellement et que, par conséquent, certains voient en cette érosion la nécessité d'une loi plus sévère.

Aussi, avant de baisser le taux légal d'alcoolémie au volant, il faut implanter les mesures qui sont reconnues pour rendre les lois efficaces:

1) Appliquer les lois actuelles dans toute leur sévérité et augmenter considérablement les chances que les délinquants se fassent prendre en accroissant les contrôles routiers et en simplifiant les procédures policières;

2) Rendre obligatoires les cours de formation des serveurs des établissements licenciés;

3) Remettre la conduite en état d'ébriété au coeur du débat public.

Il est grand temps que de nouvelles campagnes de prévention et de sensibilisation à ce sujet soient diffusées. Une fois toutes ces mesures implantées, une fois que le gouvernement aura mis en oeuvre les mesures qui sont les plus efficaces pour améliorer la situation, alors peut-être le temps sera-t-il venu d'évaluer la possibilité de modifier le code de sécurité routière pour abaisser le seuil légal d'alcool pour conduire. Il conviendra alors d'analyser l'effet de cette mesure dans le contexte qui prévaudra à ce moment-là. Mais d'ici là, la mesure proposée ne changera strictement rien au comportement des conducteurs dangereux.