Cette semaine en Angleterre, le quotidien The Guardian publiait un article suggérant que le Canada était devenu une «menace contre la paix dans le monde». Provocation ou vérité dure à avaler? Selon le journal, tout le bien qu'a pu faire le Canada au cours XXe siècle pourrait être éclipsé lors du XXIe, si nous poursuivons à long terme la politique négationniste et obstructionniste du gouvernement Harper en matière de changements climatiques. Une telle mise en garde mérite qu'on en parle.

Cette semaine en Angleterre, le quotidien The Guardian publiait un article suggérant que le Canada était devenu une «menace contre la paix dans le monde». Provocation ou vérité dure à avaler? Selon le journal, tout le bien qu'a pu faire le Canada au cours XXe siècle pourrait être éclipsé lors du XXIe, si nous poursuivons à long terme la politique négationniste et obstructionniste du gouvernement Harper en matière de changements climatiques. Une telle mise en garde mérite qu'on en parle.

Impossible, par contre, d'entamer une véritable discussion du sujet avant d'avoir insisté sur ce point: la question des «guerres climatiques» est sérieuse et réelle. Loin d'être un concept chimérique, hypothétique et futuriste, il en existe déjà un exemple: le Darfour. De toute évidence, une panoplie de facteurs étaient en jeu, mais l'un d'eux a précédé les autres et a contribué à la suite tumultueuse des événements. Il s'agit de l'assèchement du lac Tchad, causé par les changements climatiques. Des villages entiers, ayant perdu leur accès à l'eau potable, ont dû fuir les lieux, causant plusieurs vagues de migration déstabilisatrices pour les régions frontalières du Tchad, incluant celle avec le Soudan. Le sort des réfugiés étant déjà atroce, ils ont eu la malchance de migrer vers un territoire bourré de pétrole.

Ce désastre humanitaire est pourtant très petit, comparé au scénario qui suit. C'est vrai que les Tchadiens et les Soudanais ont un passé tendu, ainsi qu'une frontière armée et contestée, mais on n'y retrouve rien qui pourrait moindrement ressembler au passé géopolitique, religieux, haineux et meurtrier qui définit les relations entre l'Inde, la Chine, le Pakistan et le Bangladesh.

Représentant à eux seuls quasiment la moitié de la population terrestre, ces quatre pays partagent une ressource d'eau commune qui commence déjà à perdre de l'ampleur. Les neiges éternelles (de moins en moins) des sommets de l'Himalaya fondent de manière erratique, causant à court terme des inondations et des sècheresses, mais à long terme une réduction permanente du débit total. Imaginez l'instabilité causée par quelques centaines de millions de réfugiés, dans les régions limitrophes de trois puissances nucléaires qui, en plus de se détester profondément, n'ont aucune confiance réciproque sur laquelle édifier des pourparlers.

Les guerres climatiques sont du même ordre que la guerre froide et les deux guerres mondiales. La différence, cependant, est que faim et la soif sont des motivateurs plus féroces que l'idéologie de gauche ou de droite. Pour nourrir ma famille affamée, je réciterais volontiers Marx ou Smith à celui qui sert la soupe.

Si nous sommes tous responsables des changements climatiques, alors personne ne l'est vraiment, n'est-ce pas? Faux. Les nations équatoriales et océaniques non industrialisées subiront les pires fléaux des changements climatiques, alors qu'ils n'y sont pour rien.

Pendant ce temps, au Canada, nous sommes le numéro un mondial en terme de gaz à effet de serre par habitant. Toute inaction dans un tel contexte est un choix, par lequel nous acceptons de vivre avec la culpabilité, l'aliénation et la déresponsabilisation lâche.

Notre expiation, quant à elle, est de faire volte-face: une révolution verte, un changement dramatique dans la structure économique canadienne, une dé-carbonisation de notre société. Le chemin moral et logique est tracé. Il s'agit donc de débroussailler, peu importe les coûts et les difficultés. Si les bourgeois avaient pensé en terme de budget et d'économie plutôt qu'en terme d'idées et d'objectifs de société au XVIIIe siècle, nous vivrions encore aujourd'hui sous l'emprise de la monarchie absolue.

Devant la réalité des guerres climatiques, la responsabilité nous revient car dans l'ensemble, c'est nous qui créons les conditions propices aux conflits. Alors, quand j'apprends que le gouvernement Harper continue d'être négationniste dans son approche, loufoque dans ses propos, obstructionniste et insultant devant ses pairs (justement, récemment une grande majorité des pays du Tiers-Monde sont sortis en protestation lors d'un discours canadien prononcé dans les réunions pré-Copenhague à Bangkok)... il me vient à l'esprit des images de Marie-Antoinette et de Louis XVI, gens tragicomiques, dépassés par les événements.

L'histoire a en effet ses leçons. Entre autres, le maître chinois Sun Tzu disait que l'ultime mesure de l'excellence dans l'art de la guerre est d'arriver à ses fins, sans même entamer le combat. Réciproquement, l'ultime mesure de l'inaptitude ne serait-elle pas d'entamer des combats, sans qu'il soit possible de faire quelques gains? C'est ce que nous risquons dans le contexte des guerres climatiques: faute de collaborer avec les nations du monde, nous gaspillerons des ressources de plus en plus rares à nous battre entre nous. L'obstruction que fait notre gouvernement aujourd'hui est l'élan qu'il nous faut pour sauter dans ce gouffre.