Comme c'était à prévoir, le projet de Loto-Québec d'offrir prochainement du poker en ligne à entraîné maintes réactions indignées, où l'angélisme et les préjugés le disputent à une méconnaissance certaine de la question, d'où notre désir de contribuer à la discussion en y apportant un éclairage différent.

Comme c'était à prévoir, le projet de Loto-Québec d'offrir prochainement du poker en ligne à entraîné maintes réactions indignées, où l'angélisme et les préjugés le disputent à une méconnaissance certaine de la question, d'où notre désir de contribuer à la discussion en y apportant un éclairage différent.

Entendons-nous d'abord sur un fait: le poker est avant tout une activité de loisir et, à ce titre, il est tout à fait normal que sa pratique engendre un coût pour ses participants, à l'instar du golf, du hockey sur glace ou de la philatélie. «Perdre» de l'argent au poker est le lot de 90% de ceux qui s'y adonnent et devrait simplement être considéré comme le coût attendu d'une activité récréative, chacun devant déterminer combien il désire y consacrer en fonction de ce que lui permet son budget.

Bien que ce principe s'applique à la très grande majorité des joueurs récréatifs, nous ne nions évidemment pas que, pour une minorité de ceux qui s'y adonnent (1% à 2% de la population), le jeu perde son caractère ludique pour devenir l'objet d'une dépendance susceptible d'engendrer de graves conséquences financières, professionnelles et familiales.

À cet égard, quelques questions nous semblent toutefois s'imposer, à savoir tout d'abord si c'est bien le jeu en soi qui crée cette dépendance ou s'il ne devient pas, au contraire, la manifestation d'une pathologie préexistante. Suffirait-il donc, pour enrayer la problématique de la dépendance, d'éliminer tous les produits et activités susceptibles d'engendrer des comportements abusifs? Je laisse chacun statuer ici sur la pertinence et à la viabilité d'une telle proposition...

On peut enfin se demander qui bénéficie le plus de la situation qui prévaut actuellement: les joueurs pathologiques, laissés à eux-mêmes faces à des centaines de sites de jeu en ligne disponibles d'un clic de souris — entreprises qui, soit dit en passant, ne sont investies d'aucune responsabilité quant à la prévention des comportements abusifs et dont les profits vont engraisser des sociétés à numéros battants pavillon un quelconque paradis fiscal, ou les apôtres de la vertu, qui se dédouanent en arguant l'illégalité de ces turpitudes tout en appelant à une répression toujours plus musclée; discours stérile qui, des ligues de tempérance du siècle dernier à l'actuelle «guerre à la drogue», rabâche ad nauseam les mêmes arguments pétris de moralisme, d'ignorance et de déni.

Il va de soi que le commerce du jeu, du sexe et de la drogue correspond mal à l'idée que peuvent se faire certains de la noble mission qui devrait être celle de l'État, mais un simple instant de lucidité suffit à se rendre compte que ces activités — indépendamment de l'idée qu'on en a — ont toujours fait partie de nos sociétés et que le principe qui veut que l'État soit le meilleur outil pour veiller au bien commun devrait a fortiori s'appliquer à des domaines où les pulsions humaines sont le plus à même d'être exploitées par des marchands sans scrupules.