Après avoir passé quelques semaines chez les Français du Canada et apprécié la culture française des régions éloignées du Québec, Stefan Zweig écrivait ceci dans le Frankfurter Zeitung du 25 mars 1911 : «Montréal est déjà perdu pour les Français en raison de la rapidité avec laquelle afflue une population étrangère. [...] Toute personne raisonnable devrait conseiller à ces Français de mettre un terme à leur résistance, mais la déraison est ici si merveilleusement héroïque que l'on a une seule envie: encourager ces descendants des hardis aventuriers.»

Après avoir passé quelques semaines chez les Français du Canada et apprécié la culture française des régions éloignées du Québec, Stefan Zweig écrivait ceci dans le Frankfurter Zeitung du 25 mars 1911 : «Montréal est déjà perdu pour les Français en raison de la rapidité avec laquelle afflue une population étrangère. [...] Toute personne raisonnable devrait conseiller à ces Français de mettre un terme à leur résistance, mais la déraison est ici si merveilleusement héroïque que l'on a une seule envie: encourager ces descendants des hardis aventuriers.»

Nous pouvons aujourd'hui affirmer que Zweig avait tort et que le XXe siècle aura donné raison aux «déraisonnables». Cent ans plus tard, par contre, la vapeur semble se renverser. Avenue Mont-Royal un dimanche après-midi, les commerçants nous accueillent en anglais. Rue Dorion, un samedi soir, les fumeurs sur les balcons boivent et discutent en anglais. L'anglais, que l'on excusait à l'ouest du boulevard Saint-Laurent, s'est déplacé de l'autre côté de la célèbre artère. Et c'est avec un naturel déconcertant qu'on l'utilise comme s'il avait toujours existé.

Jean Charest aura beau jouer au super naïf, il ne trompe personne. Montréal devient anglophone. Pas seulement chez les nouveaux arrivants de l'ouest de l'île, mais bien chez les francophones.

Les lois linguistiques déclarées inconstitutionnelles, la culture américaine en super concentré, la mollesse du Canada à défendre sa minorité linguistique, la migration des francophones vers les banlieues, etc. Tous changements dans ces domaines ne ramèneront pas le français à Montréal tant que les francophones ne seront pas plus proactifs dans la préservation de leur héritage culturel français.

Bon nombre d'immigrants me répètent qu'ils se font répondre en anglais lorsqu'ils essaient de parler français. Combien de fois a-t-on accepté de se faire servir en anglais alors qu'il aurait été si simple de refuser le service et d'aller se pointer le nez ailleurs?

Les Montréalais francophones auraient bien besoin d'un coup de pied vous savez où! La grogne est palpable, les gens sont irrités. La tension monte entre francophones d'un côté et anglophones et allophones de l'autre. Malheureusement, nous continuons trop souvent, en tant que francophones, à croire que ça ne vaut pas la peine, que le combat est terminé et que, de toute façon, c'est déjà perdu.

Zweig aurait-il été témoin d'une prémonition? Peut-être. Une chose est certaine, c'est aux francophones que revient le choix de garder ou de céder leur place. Ils auront plus de chance en cessant d'accuser «l'autre» et en affirmant haut et fort leur identité culturelle. Soyons rassembleurs et soyons-le en français... si c'est ce que nous souhaitons vraiment.