"Tu as remarqué, m'a dit mon épouse, que quand un allié des États-Unis pense avoir le feu vert pour envahir une région, ça se passe toujours en été ?" Elle a raison : l'Irak a envahi le Koweït en août 1990, Israël a envahi le Liban en juillet 2006 et, cette année, la Géorgie envahit l'Ossétie du Sud en août. Israël a en effet obtenu le feu vert de Washington - ce qui, pour autant, n'a pas beaucoup aidé. Mais Saddam Hussein a eu complètement tort. Et Mikhaïl Saakachvili aussi.

"Tu as remarqué, m'a dit mon épouse, que quand un allié des États-Unis pense avoir le feu vert pour envahir une région, ça se passe toujours en été ?" Elle a raison : l'Irak a envahi le Koweït en août 1990, Israël a envahi le Liban en juillet 2006 et, cette année, la Géorgie envahit l'Ossétie du Sud en août. Israël a en effet obtenu le feu vert de Washington - ce qui, pour autant, n'a pas beaucoup aidé. Mais Saddam Hussein a eu complètement tort. Et Mikhaïl Saakachvili aussi.

La différence est que le gouvernement américain continue de soutenir Mikhaïl Saakachvili, même après l'échec cuisant de son assaut violent en Ossétie du Sud. L'administration Bush tente juste de sauver la face - par exemple, en envoyant de l'"aide humanitaire" via des avions et des bateaux de l'armée américaine après la cessation des tirs - et Washington n'a jamais vraiment soutenu l'agression de la Géorgie. Mais si les Russes ne le comprennent pas, nous nous dirigerons vers une nouvelle guerre froide.

Ce serait un bien stupide épisode pour le début xxie siècle. Pourtant, le vice-président américain Dick Cheney, ridiculement belliqueux, n'est pas le seul à déclarer que "l'agression russe ne doit pas rester sans réponse". Le candidat républicain à la présidentielle, John McCain, affirme : "nous sommes tous des Géorgiens en ce moment" et suggère d'exclure la Russie du G-8. Même une personne relativement mesurée comme la secrétaire d'État Condoleezza Rice fait référence à la guerre froide : "Nous ne sommes pas en 1968, à l'invasion de la Tchécoslovaquie, au cours de laquelle la Russie peut menacer un pays voisin, occuper une capitale, renverser un gouvernement et en sortir impunie". Condoleezza Rice a raison sur un point : "nous ne sommes pas en 1968" ; tout le reste est ridicule.

Attaque surprise

La Russie n'a pas menacé la Géorgie. Elle a répondu à une attaque surprise de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud, un territoire sur lequel étaient basées des forces russes de maintien de la paix, conformément à un accord international. La Russie n'a pas occupé la capitale de la Géorgie, ni renversé de gouvernement. Il n'est, cependant, pas exclu que les Géorgiens "renversent" eux-mêmes leur gouvernement quand ils se rendront compte de la bêtise de Mikhaïl Saakachvili.

Il est vrai que Moscou n'aimait pas l'idée que la Géorgie entretienne des liens étroits avec les États-Unis. Washington a notamment soutenu la candidature de Tbilissi à l'OTAN. Et il est vrai, aussi, que la Russie a profité de l'attaque du président géorgien pour écraser son armée flambant neuve, entraînée par les militaires américains (laquelle a fui de Gori, en panique, lundi dernier).

Peut-être même que le premier ministre russe, Vladimir Poutine, a délibérément poussé Saakachvili à mener cette attaque en le provoquant de diverses manières. Mais rien n'est moins sûr ! Quand bien même les choses se seraient effectivement passées ainsi, c'est la Géorgie qui est responsable d'un assaut généralisé sur l'enclave de l'Ossétie du Sud la nuit du 7 août. Et ce sont les forces géorgiennes de maintien de la paix qui ont pointé leurs armes sur leurs collègues russes.

Si les Russes n'avaient pas réagi comme ils l'ont fait, aujourd'hui, la Géorgie contrôlerait l'ensemble du territoire et les Ossètes du sud survivants seraient pour la plupart devenus des réfugiés en Ossétie du Nord (russe). Cela ne donne aux pas Ossètes du sud le droit de chasser les Géorgiens de l'enclave (en minorité) hors de leur village, comme le racontent certains journaux. Et c'est le devoir des Russes de les en empêcher. Mais nous ne sommes pas en Tchécoslovaquie en 1968.

Genèse en 1988

Le désordre qui règne actuellement est dû à des événements qui remontent à 20 ans. L'Ossétie du Sud et l'Abkhazie, qui avaient été intégrées à la Géorgie tout en obtenant un statut de gouvernement autonome sous Staline, ont commencé à évoquer l'indépendance totale lorsque l'Union soviétique s'est désagrégée en 1990. Le premier dirigeant géorgien post-communiste, Zviad Gamsakhurdia, a répliqué en supprimant totalement leur autonomie.

Lorsque les Ossètes du Sud et les Abkhazes se sont révoltés, les troupes géorgiennes ont été envoyées pour les massacrer, mais elles en ont été incapables. Plusieurs milliers de personnes ont été tuées, bien plus se sont fait réfugiés et ces différends sont finalement devenus deux "conflits gelés" à la périphérie de l'ex-Union soviétique, surveillée par les forces russe et géorgienne de maintien de la paix.

Rien n'a vraiment évolué jusqu'à la "Révolution des Roses", il y a cinq ans, qui a installé Mikhaïl Saakachvili au pouvoir. Ce dernier a alors promis de réintégrer ces régions perdues au sein de la Géorgie. L'administration Bush y a vu l'occasion militaire de prendre pied à la frontière sud de la Russie. Elle a donc fourni au président géorgien du matériel militaire et fait entraîner ses hommes... ce qui nous amène au conflit actuel.

Mikhaïl Saakachvili a attaqué l'Ossétie du sud car il pensait que ses liens avec les Américains inquiéteraient les Russes et que ces derniers resteraient tranquilles. Mais la réalité est que les États-Unis n'auraient jamais livré une guerre à la Russie au sujet de la Géorgie. Si bien qu'on nous parle maintenant d'"aide humanitaire".

Les troupes russes devraient avoir quitté la Géorgie dans une semaine. Quant au président Saakachvili, il devrait être parti d'ici un an. Un certain air frais se fera sentir pendant quelque temps, mais la guerre froide ne se reproduira pas. En tout cas, pas à cause de ce petit conflit.

gdyer@ledroit.com