Pierre de Coubertin aurait combattu l'idée bec et ongles. Même jusqu'aux années 1970, le président du Comité international olympique, Avery Brundage, tentait d'endiguer le flot de dollars aux JO, au moins dans le camp des athlètes. Il tentait encore de préserver les Jeux aux seuls athlètes amateurs, aux gens qui ne tiraient aucun avantage pécuniaire de leur talent sportif. C'était évidemment une volonté de perpétuer une illusion alors que les pays d'Europe de l'est supportaient à plein leurs athlètes, car le sport y était enrôlé dans une campagne de promotion des vertus du système communiste.

Pierre de Coubertin aurait combattu l'idée bec et ongles. Même jusqu'aux années 1970, le président du Comité international olympique, Avery Brundage, tentait d'endiguer le flot de dollars aux JO, au moins dans le camp des athlètes. Il tentait encore de préserver les Jeux aux seuls athlètes amateurs, aux gens qui ne tiraient aucun avantage pécuniaire de leur talent sportif. C'était évidemment une volonté de perpétuer une illusion alors que les pays d'Europe de l'est supportaient à plein leurs athlètes, car le sport y était enrôlé dans une campagne de promotion des vertus du système communiste.

La situation a bien changé aujourd'hui. L'hypocrisie que le CIO a tenté de préserver jusqu'à cette époque pas si lointaine des Jeux olympiques de Montréal a laissé sa place à une réalité tout autre aujourd'hui. Des personnes que le sport a rendues hyperriches côtoient d'autres que le sport a appauvri. À preuve les joueurs de basket-ball américain, certains joueurs de football, ou de tennis, présents aux Jeux olympiques de Pékin. Ils ont pour nom Rafael Nadal, Roger Federer, Ronaldinho ou Kobe Bryant. Pour eux, le tournoi olympique n'est bien souvent qu'une autre série de matches ajoutés à un calendrier déjà fort chargé. Ils y vont un peu pour la gloire olympique, un peu pour la fierté d'ajouter un joyau de plus dans le portefeuille, un peu pour l'expérience sportive différente. Ce sont des mercenaires du sport et ils carburent à la performance.

Aux côtés d'eux, il y a d'obscurs porte-couleurs qui concourent dans des disciplines tout aussi obscures, ou délaissées. Ils lèvent de la fonte en haltérophilie, ils tirent en escrime ou à la carabine, ils font de la voile, ils font de l'aviron. Ils font tout ça surtout pour le plaisir, absolument pas pour l'argent - au contraire, ça leur en coûte -, pas vraiment pour la gloire olympique, pour s'accomplir, pour se réaliser, pour aller au bout de leur talent. Un talent qui n'aura juste pas été dans une discipline où la télévision bâtit des champions, qui ne s'exprimera pas dans un sport où les amateurs sont vissés à leur siège et où ces derniers sont prêts à payer de fortes sommes pour assister au concours sportif.

Cette abnégation totale de ces sportifs sans-le-sou, les gouvernements au Canada - le fédéral en tête de lice - l'ont reconnue en offrant pour la première fois une récompense de 20 000 $ pour tout gagnant d'une médaille d'or. Il s'en trouvera pour se scandaliser qu'on achète le coeur des sportifs ; ça aurait été une levée des boucliers il y a 25 ans. Aujourd'hui, par chance, la proposition n'a pas défrayé les manchettes. Vingt mille dollars, c'est beaucoup et c'est peu à la fois : les États-Unis donnent 25 000 $, le Japon 30 000 $, la France, 80 000 $, la Russie est pas mal au plafond 150 000 $. Les quelques petits pays qui offrent davantage savent bien qu'ils n'auront jamais à faire de chèque - c'est comme l'auto gratuite que l'on offre pour un trou d'un coup lors d'un tournoi de golf. Il n'y a jamais personne qui l'emporte.

Les Jeux ont bien changé depuis l'ère de Pierre de Coubertin, depuis Avery Brundage, depuis Montréal 1976. Pour le mieux ? Allons savoir. La Chine est quand même en train de prouver, peut-être avec un brin de fierté de plus, que les Jeux olympiques sont davantage une question de fierté, de fierté personnelle mais surtout de fierté nationale. À l'époque de la Guerre froide, c'était mon-système-est-meilleur-que-le-tien. Avec la Chine, on sent davantage que c'est une question de mon-système-est-aussi-bon-que-le-tien.

Certains se scandalisent que la Chine ait dépensé autant, près de 40 milliards $, pour accueillir les JO. Au plan des principes, elle n'a pas fait mieux ni pire que Montréal, Moscou, Séoul, etc. Toutes les villes ont profité des Jeux pour se faire une beauté : rasé ses quartiers sombres, nettoyé ses rues, retapé son réseau de transport, bâti ses infrastructures. Les villes olympiques sont un peu comme les athlètes sans-le-sou. Pékin ou un judoka, finalement, c'est la même affaire : pour les deux, les Jeux olympiques sont une occasion d'aller jusqu'au bout.

pjury@ledroit.com