En 1968, je quittais le voile, mais j'ai gardé de grandes amitiés.

Le 28 juin 1968, je sortais du Couvent après dix ans de vie commune chez les Filles de Jésus de Trois-Rivières.

Les funérailles de soeur Gisèle Gervais (soeur Marie Lucien de Jésus) auxquelles j'ai assisté à Kermaria, ce même 28 juin 2008, quarante ans plus tard, jour pour jour, me l'ont rappelé de plein fouet.

Toute une série de souvenirs de cette période de formation, de travail intense et d'amitiés sincères, parfois marquée par l'épuisement! Soeur Gisèle Gervais occupait le poste de Supérieure provinciale.

En 1968, j'étais étudiante en musique à l'Université Laval de Québec. La télévision en noir et blanc nous présentait les troubles de Mai 68, provoqués à Paris par les étudiants de la Sorbonne.

J'étais dans le mouvement de changement apporté par Vatican II. Je n'avais aucune idée de la guerre qui se déroulait au Vietnam.

J'ignorais tout du mouvement Hippie en Californie, tout comme du Printemps de Prague. Je ne soupçonnais pas l'Hostie de Show de Charlebois et Forestier.

Une force intérieure me voulait ailleurs. J'avais quitté «le monde», je devais retourner dans ce monde. J'ai quitté le voile avec ses règlements, mais pas mes amitiés.

Il y eut un petit flottement au début, qui a duré quelques années même. Il y avait des personnes qui disaient que «j'étais sortie» parce que je n'avais pas la vocation, d'autres que je n'avais jamais eu la vocation, d'autres que j'avais perdu la foi, d'autres, dont certains prêtres, qui parlaient de vocation temporaire. Le monde changeait, même les laïcs divorçaient.

C'est à l'occasion de ces funérailles que j'ai revu d'anciens professeurs, encore religieuses et aussi des prêtres et des religieux.

J'ai salué certaines amies, compagnes d'autrefois au noviciat, dont la Provinciale du Canada ainsi que ses compagnes restées au pays.

J'ai eu le bonheur de rencontrer une amie professe, en mission actuellement au Honduras, aussi des chefs de choeur et des organistes qui ont continué, à ma place, de diriger la chorale et de jouer à l'orgue de la magnifique chapelle St-Joseph de Kermaria.

Une amitié récente s'est créée avec une missionnaire revenue du Chili après 30 ans de service dans divers pays, celle-ci ayant dû faire face à plusieurs régimes politiques dont celui de Pinochet. Je me suis rappelée ma rencontre à Tournai en Belgique avec soeur Gisèle, étudiante à Lumen Vitae.

Dans cette foule rassemblée pour les funérailles, j'ai reconnu parmi les célébrants, un père Oblat que j'avais rencontré au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap comme animatrice des messes en anglais, puis plus tard, à la mission de Chisasibi, à la Baie-James, là où j'ai enseigné durant près de 17 ans.

J'ai pu serrer dans mes bras une religieuse de 94 ans qui m'avait chaleureusement accueillie lors d'une brève visite à la Maison générale de Locminé en Bretagne, au début des années 1970.

J'ai remarqué certaines gens ébahies par l'ordre et la propreté des lieux en ce temps du «C. difficile». J'ai vu quelques membres de la famille de soeur Gisèle Gervais, des consoeurs d'autrefois et d'autres communautés religieuses, des étudiantes, des représentants d'organismes de diverses paroisses où elle s'est impliquée et le président de la Société St-Vincent-de-Paul de Shawinigan, pour lesquels elle a exercé son action sociale. Parmi les prêtres et religieux on pouvait reconnaître l'évêque du diocèse de Trois-Rivières.

À l'occasion du 400e de Québec, je suis fière de cette «Révolution tranquille» née dans le silence, qui a gardé de grandes amitiés et... en a créé d'autres.

Louise Cloutier

historienne et musicologue

Trois-Rivières