De Bamako, j'observe la fermeture de ton usine. Celle-là pour laquelle je t'ai souvent vu te lever durant la nuit pour aller y travailler. Cette usine à laquelle tu as donné plus de 30 ans comme un chèque en blanc, omettant de cotiser à un REER ou à une pension quelconque.

Aujourd'hui, Aleris ferme l'usine et balaie du revers de la main tes années de service et 450 autres employés.

Que vas-tu faire maintenant, papa, toi qui n'a qu'un secondaire 5 en poche et 30 années d'opération de pont roulant?

Alors que le maire Lévesque, apôtre de la mondialisation, vous demande de mettre de l'eau dans votre vin et que la direction américaine de l'usine essaie de vous faire porter l'odieux de la fermeture, je me demande, papa, si tu as eu l'audace de voter non?

As-tu pris le risque de te retrouver à la rue sans fonds de retraite pour ne pas plier l'échine devant les grands «big shots» qui en profitent eux, de cette mondialisation?

Parfois je me dis qu'il vaut mieux manger du pain debout que du steak à genoux.

Debout, papa! Debout, maman!

Notre pain goûtera bon puisque nous l'aurons choisi et n'aura pas l'arrière-goût amer de la résignation.

N'écoute pas le maire prêcher que si on gagnait du temps la mondialisation pourrait régler les choses.

Qu'on se le dise ouvertement, c'est justement cette mondialisation néolibérale qui est la cause de la fermeture de ton usine et de centaines d'autres partout en Amérique.

Du Mali, papa, je suis solidaire avec tous ceux qui en bavent de cette doctrine économique qui amène la misère dans notre famille autant que dans celle qui m'héberge au village de Dafara.

Alexandre Gauthier

Trois-Rivières