La nomination du Dr Henry Morgentaler comme membre de l'Ordre du Canada a rallumé le débat sur l'avortement au pays. Pour les militants contre l'avortement, il est inconcevable que cet homme reçoive l'une des plus hautes distinctions civiles au Canada. Quant à ceux qui militent pour l'avortement, ils sont soulagés que le Dr Morgentaler, aujourd'hui âgé de 85 ans, soit décoré après quelques tentatives infructueuses.

La nomination du Dr Henry Morgentaler comme membre de l'Ordre du Canada a rallumé le débat sur l'avortement au pays. Pour les militants contre l'avortement, il est inconcevable que cet homme reçoive l'une des plus hautes distinctions civiles au Canada. Quant à ceux qui militent pour l'avortement, ils sont soulagés que le Dr Morgentaler, aujourd'hui âgé de 85 ans, soit décoré après quelques tentatives infructueuses.

Les personnes honorées de l'Ordre du Canada voient leurs candidatures soumises par des citoyens ou des organisations. Dans ce cas, il s'agit de la Coalition pour le droit à l'avortement au Canada, un groupe "pro-choix" aux idées aussi arrêtées sur l'avortement que leurs adversaires baptisés "pro-vie".

Les règles d'admissibilité à titre de membre de l'Ordre du Canada sont claires. L'honneur reconnaît "une vie vouée au service d'une communauté, d'un groupe ou d'un champ d'activité". À cette lecture, il ne fait aucun doute que le Dr Henry Morgentaler est un citoyen méritoire. Car il faut se souvenir des conditions auxquelles les femmes devaient s'astreindre pour mettre fin prématurément à une grossesse avant que la Cour suprême du Canada n'invalide la loi sur l'avortement dans le Code criminel en 1988. Les femmes mieux nanties payaient leurs avortements dans des cliniques illégales où des normes d'hygiène étaient respectées. Certaines allaient subir la procédure aux États-Unis dans le cadre d'un voyage-éclair à l'abri des regards. Les femmes plus pauvres étaient condamnées à des cliniques clandestines où les "praticiens" faisaient peu état de leur état de santé physique et morale. D'autres faisaient affaire avec un marché noir encore plus lugubre, ou utiliser des moyens chirurgicaux dangereux pour leur santé.

Il ne faudrait pas que le Canada fasse marche arrière et retourne à ces histoires sombres de la vie des femmes. L'avortement n'a jamais été une procédure plaisante et sauf exception, les femmes qui y ont recours n'ont que peu de choix. La perspective d'une grossesse non désirée n'est pas souhaitable et il vaut mieux y mettre un terme que de mettre au monde un enfant qui ne sera pas bienvenu.

À partir des années 1960, 1e Dr Morgentaler ne s'est pas caché qu'il pratiquait des avortements dans sa clinique de Montréal, puis celle de Toronto. Il a été arrêté plusieurs fois et a été emprisonné en 1974. Cette saga juridique a mené à l'arrêt de la Cour suprême de 1988. Il est clair que pour les femmes qui devaient et doivent subir un avortement que la croisade du Dr Morgentaler a grandement amélioré leur accès à la pratique, allégé leurs souffrances et réduit les risques à leur santé.

L'avortement a provoqué un long et acrimonieux débat au Canada pendant quelque 30 ans, à partir des années 1960. Ce débat a aussi eu lieu dans de nombreux pays occidentaux. La population est longtemps apparue divisée sur la question, et l'est encore aujourd'hui. Les résultats des sondages d'opinion varieront grandement selon que l'on parle de sauvegarder la vie d'un enfant à naître, ou de l'avortement libre, gratuit et sur demande.

Pendant quelques années, le débat s'était estompé. Voilà qu'il revient à la surface, tant au Canada qu'aux États-Unis ; cela ne serait pas étranger à la montée de la droite conservatrice et de la présence de mouvements pro-vie ou de défense des droits des foetus. Les parlementaires canadiens ont d'ailleurs devant eux un projet de loi "sur les enfants non encore nés victimes d'actes criminels" qui a fouetté les militants d'un côté comme de l'autre de la question. La présence d'un gouvernement conservateur au fédéral ne serait pas étrangère à l'espoir que les groupes pro-vie mettent en ce projet de loi C-484.

Étonnamment, le premier ministre Stephen Harper s'est gardé de tout commentaire sur la nomination future du Dr Morgentaler comme membre de l'Ordre du Canada. Peut-être accepte-t-il de perdre la bataille sur ce front purement honorifique, pour mieux remporter la guerre avec ce projet de loi bien pratique qui pourrait amoindrir l'héritage du Dr Henry Morgentaler...