À Rovaniemi, capitale de la Laponie finlandaise, le père Noël (Joulupukki, en finois) apparaît sur un grand panneau publicitaire. Impossible de rater son village construit sur le cercle polaire!

C'était en octobre dernier. Les sapins étaient saupoudrés de neige glacée. Plutôt fantomatique, le paysage matinal semblait avoir été figé dans un glaçage à la vanille. Des rennes blanchâtres broutaient dans les champs. J'ai même dû immobiliser la voiture pour laisser passer un troupeauLors de mon arrivée au Bureau du père Noël, le petit Santeri, 6 ans, moue sceptique, confie ses doutes au fameux personnage à barbe. «Mes copains disent que le père Noël n'existe pas». Silence des parents, des Finlandais du sud. Mais le père Noël, habitué à ce genre de questionnement, réplique : «Eh bien! ces garçons n'auront pas de cadeaux. Et tu leur montreras ta photo avec le père Noël.» Clic ! Un lutin photographe croque la famille moyennant 7 $ ou 27 $, selon le format.

La différence entre le père Noël finnois et celui du centre commercial près de chez vous? La forte présence des rennes donne une saveur d'authenticité à la destination. On en compte environ 200 000 en Laponie, soit un renne par habitant.

Mais le bâtiment principal en bois rond et en pierre du Village du père Noël aurait pu être construit à Tremblant ou à Val-David

Pays de design et de simplicité, la Finlande propose un père Noël au style rustique et sans chichi. Il porte une longue chemise, un débardeur rouge, une barbe interminable, des lunettes dorées et les boutons de ses vêtements sont en bois de renne. Même le logo du Bureau de poste du père Noël est stylisé et dépouillé.

Chaque année, il accueille 500 000 personnes. Anglais, Français, Italiens, Russes, Espagnols et Japonais comptent parmi les plus fidèles et près de 80 % des visiteurs du Village sont des adultes.

«Contrairement à l'été, l'hiver finlandais est très facile à vendre aux touristes», assure Timo Hänninen, directeur de projets à l'Office de tourisme de Finlande.

Mythe touristique

Les Finlandais savent que la résidence permanente du père Noël est située au mont Oreille (Korkatunturi, en finnois). On dit que cette montagne a la forme d'une oreille et qu'elle permet à son célèbre résidant d'entendre les demandes des enfants.

À la fin des années 20, un panneau indiquant où se trouve le cercle polaire a été planté sur la route menant à Cap Nord, en Norvège. L'attrait du cercle polaire a d'abord été mis à profit lors d'une visite d'Eleanor Roosevelt, veuve de l'ex-président des États-Unis, en juin 1950. On lui a alors offert une petite maison en rondins sur le cercle polaire.

Située à seulement huit kilomètres du centre-ville de Rovaniemi, porte d'entrée en Laponie, cette maisonnette est à l'origine du Village du père Noël. «Comme il était impensable de se rendre au mont Oreille, les habitants se sont dit qu'ils devraient fonder le Village ici», rappelle Aïja Huhtamo. Ce n'est que depuis les années 80que le père Noël y accueille régulièrement des visiteurs.

Un parc d'attractions de Noël intitulé Santa Park a été construit à 40 mètres sous terre, dans un abri anti nucléaire, à proximité du Village du père Noël. C'était en 1998. Aujourd'hui ? L'endroit, encore ouvert, serait sur le point de changer de vocation.

Des lettres du Québec

Le Bureau de poste du père Noël est l'autre activité principale du Village. Des employés déguisés en lutins s'activent dans un décor typique : bois rond, foyer, berceuse et artisanat de la région. On y vend, entre autres, des cartes et des timbres de Noël. Un lutin pose un cachet spécial sur les cartes qu'on envoie à ses amis.

On peut aussi scruter les lettres adressées au Joulupukki. Dans le casier «Canada», j'ai aperçu plusieurs lettres d'enfants québécois, dont une de Val-Brillant et une autre du rang 10 Ouest, à Auclair. Au lieu de solliciter notre bon père Noël dupôle Nord, ces petits envoient donc leur liste en Laponie. À moins que ces enfants particulièrement rusés tentent de doubler leurs chances de recevoir des cadeaux en écrivant aux deux bonhommes en même temps

Depuis 1985, plus de 10 millions de lettres provenant de 191 pays ont été envoyées au père Noël finlandais. Les habitués sont les petits Anglais, les Italiens, les Polonais et les Français.Riitta, un lutin polyglotte au sourire mutin, lit les lettres et les remet au père Noël.

«Le tiers des enfants n'envoient qu'une liste de cadeaux. Mais certaines lettres sont très touchantes et semblent avoir été écrites avec leur sang Des enfants souhaitent que leurs parents ne se divorcent pas», explique Riitta.

L'an dernier, «notre» père Noël du pôle Nord et ses lutins de Postes Canada ont reçu plus d'un million de lettres et environ 30 000 courriels écrits en 27 langues. En 30 ans, au delà de 13 millions de lettres ont été acheminées au père Noël canadien.

Le Village du père Noël finlandais est ouvert tous les jours de l'année et l'entrée est libre. Le soir du 23 décembre, une grande fête de Noël y est organisée.

www.santaclauslive.com

Un permis pour conduire les rennes

Le jeune Jani Paadar nourrit nonchalamment les rennes de son troupeau. Un gros mâle blanc tacheté se dirige droit sur moi. Moment d'affolement. «Soyez sans crainte : les rennes se battent rarement et seulement entre eux. Ils sont castrés», m'assure-t-il.

Avec ses parents et son épouse, le Sami permet aux visiteurs de découvrir les coutumes de ce peuple autochtone habitant la Finlande, la Norvège, la Suède et la presqu'île de Kola, en Russie. On en compte 8000 au nord de la Finlande, en Laponie. Jani et sa femme Hanne portent des vêtements traditionnels très colorés. Impossible de les rater dans le décor immaculé de leur ferme d'élevage de rennes nommée Inarin Porofarmi. Elle est située tout près d'Inari, à 350 km environ au nord du cercle polaire. Parmi les activités proposées, il y en a une qui pique la curiosité: l'obtention d'un permis de conduire les rennes

«Sur une piste de 800 mètres, vous devez apprendre à diriger un traîneau tiré par un renne. C'est comparable à un cheval», explique Jani Paadar. Coût du permis ? 13 $.

Dans ce paysage galactique se dresse une tente typiquement lapone. Le couple sert du thé dans des tasses taillées dans du bouleau. «Nous discutons de culture sami avec les visiteurs», explique Jani.

Tout en bavardant, je demande combien de rennes possède sa famille. Mon guide, Timo Hänninen, fronce les sourcils. «Demander à un Lapon combien de rennes il possède est comparable à lui demander le solde de son compte en banque», dit-il.

Indulgent, le jeune Sami confie que le troupeau de la famille compte plus de 100 bêtes. Et elles servent principalement à divertir les touristes.

L'hiver, des expéditions avec attelage de rennes sont offertes. Attraper un renne au lasso est une autre «fantaisie» touristique.

La plus insolite? Des petits contenants remplis de poudre de bois de renne. Une drogue douce? «Non, un aphrodisiaque, selon les Asiatiques», répond en souriant Jani Paadar. Le prix pour un contenant ? À partir de 7 $.

Renseignements : porofarmi@luukku.com

Dormir dans un igloo et se marier dans une chapelle en neige

L'hiver passé, Jussi Eiramo a permis à 60 couples de se dire «oui» pour la vie dans une chapelle faite de neige. Nous sommes à 250km au nord du cercle polaire, à l'Hôtel et Igloo Village Kakslauttanen, à Saariselkä.

Les Japonais affectionnent l'endroit. Ils aiment dormir sous les aurores boréales dans un igloo vitré et chauffé. Selon une croyance, un enfant conçu lors d'aurores boréales serait exceptionnellement doué

Le propriétaire de l'établissement fait même appel à un veilleur de nuit qui, jusqu'à 2h du matin, surveille les aurores qui se manifestent du mois d'août à avril. Dès leur apparition, il actionne une cloche pour avertir les touristes.

Bref, Jussi Eiramo exploite un exotisme nordique comparable au nôtre. Les Français, d'autres grands adeptes des lieux, raffolent des igloos et du restaurant en neige. La température intérieure d'un abri de neige oscille entre -2 et -3 degrés Celsius. Une matière plastique isolante permet aux visiteurs de s'asseoir ou de se coucher sans frissonner. Des peaux de rennes sont ajoutées. Dans un igloo de verre, la température est maintenue à 21 degrés Celsius, grâce à un chauffage électrique. Des chalets en rondins de pin possèdent un sauna moderne. Ceux qui dorment dans des igloos ont accès au plus grand sauna à l'ancienne ou sauna enfumé au monde, soutient le propriétaire. Un trou dans la glace permet aux intrépides d'expérimenter l'authentique sauna finlandais.

Lors de mon passage, j'ai dormi dans un chalet en bois rond conventionnel. J'ai apprécié le confort de ma cabane en Finlande. Tous les incontournables rustiques y étaient : foyer à bois, poignée de porte en branche d'arbre, base de lit et tables de nuit en rondins. De petits lits superposés permettent à une famille d'y passer la nuit et de basculer dans un épisode de Daniel Boone. J'ai aimé certains détails d'aménagement, comme le plancher chauffant de la salle de bains. Mais surtout, l'absence de télé m'a permis de goûter au silence feutré de l'endroit.

Ce charme rétro-rural fait subitement place au kitsch flamboyant dans les chalets de type «lune de miel». J'ai sursauté en découvrant une salle de bains avec baignoire griffée Versace à pattes dorées et un plafond parsemé de lumières clignotantes en forme de coeur.

Jussi Eiramo a entrepris la construction de ses chalets et igloos en 1988. Aujourd'hui, une multitude d'activités polaires sont proposées. Il y a des «safaris» avec attelages de rennes, de chiens huskys ou à motoneige. Certains téméraires préfèrent l'excursion du brise-glace Sampo, à Kemi. Ils peuvent enfiler une combinaison thermique et se laisser flotter dans l'eau glacée.

Le forfait du 24 décembre comprend le souper traditionnel de Noël et l'arrivée du père Noël en traîneau tiré, bien sûr, par des rennes.

Le tourisme du froid n'est pas gratuit. Par exemple, une personne doit prévoir 315 $ pour dormir dans un igloo de verre et observer les aurores polaires. À deux, il faut compter 210$ par personne. Dans un igloo de neige, un couple doit prévoir 166$ par personne. Tous ces prix incluent le petit-déjeuner et le sauna matinal.

Se marier au froid ? Un minimum de 1130 $ pour la cérémonie. Un petit chalet en rondins coûte 140$ par personne. Environ 125 $ sont nécessaires pour participer à une excursion de plus de deux heures avec un attelage de rennes. À proximité, les amateurs de ski de fond et alpin sont comblés.

www.kakslauttanen.com