Pendant les années 70 et 80, il n'y a pratiquement pas eu d'albums de Noël faits au Québec. Et puis, André Gagnon a enregistré son très bel album instrumental Noël en 1992, et les artistes québécois s'y sont remis: Bruno Pelletier, Laurence Jalbert, Mario Pelchat, Florent Vollant, Marie-Michèle Desrosiers, les soeurs McGarrigle, etc.

Claire Noël

Seulement, trop, c'était comme pas assez et, Petit Jésus merci, il y a, cette année, peu de nouveaux disques de Noël québécois. Parmi ceux-ci, il y en a un qui se démarque par sa qualité: Le premier Noël de Claire Pelletier, que nous avons rencontrée.

L'album s'ouvre sur de la vielle à roue, de la clarinette en roseau, de la cornemuse «Ce sont des amis français, Gilles Chabenat et Éric Montbel, qui jouent. Pierre (Duchesne, réalisateur et conjoint de Claire Pelletier) et moi avions assisté à un concert de chants de Noël organisé par Gilles et on avait découvert de magnifiques chansons peu connues ou des mélodies connues, mais avec des textes que nous ne connaissions pas.» En discutant ensuite avec Chabenat, Claire Pelletier réalise que certains de ces cantiques ont été trouvés à Québec! «C'est Ernest Myrand qui avait rassemblé, en 1899, ces chants dans un livre intitulé Noëls anciens de la Nouvelle-France. Je suis donc allée à Québec, j'ai trouvé le livre au cégep François-Xavier Garneau et j'ai passé l'après-midi à faire des photocopies.»

Tout l'album a fait l'objet de telles recherches et de telles rencontres. Par exemple la rencontre du Kiosque à musique, un excellent septuor de musiciens classiques, auquel Claire Pelletier et Pierre Duchesne ont jumelé un quintette de cuivres pour la moitié des morceaux de l'album, enregistrée dans l'église Saint-François Xavier de Bromont. Et puis, pour d'autres chansons, tous deux ont fait plutôt appel au oud, au cor wagnérien, aux percussions, au piano et à l'harmonium, démonté et remonté par Claire Pelletier elle-même.

«Je tenais au son de l'harmonium, c'est comme une respiration. Alors, on en a cherché une sur Internet pendant des semaines. Et on a finalement trouvé celui-ci, qui vient des Pyrénées, fabriqué en 1860, et qu'une dame de Saint-Gabriel-de-Brandon avait acheté et ramené au Québec. En plus, c'est un harmonium français, donc plus puissant parce que l'air y est poussé plutôt que tiré. Ça m'a pris un mois pour le démonter et le nettoyer!»

Et puis, Claire Pelletier a choisi soigneusement les chansons pour leur qualité d'écriture: «Ce sont toutes des chansons qui ont une poésie, une vraie. Et c'est un disque joyeux, je crois. Je voulais faire un album plein d'allégresse», conclut Claire, pleine de grâce...

Noël comme dans le temps

Quel est l'album qui s'est le plus vendu, toutes catégories musicales confondues, dans la décennie 1950 en Occident? Incroyable, mais vrai: le Christmas Album d'Elvis Presley, lancé en 1957!

Cet album fit d'ailleurs scandale à l'époque: le chanteur étant considéré comme un suppôt de Satan auprès des jeunes en raison de ses «déhanchements lubriques», même Irving Berlin, compositeur de White Christmas, entreprit une campagne afin d'empêcher la diffusion de la version de cette chanson par Elvis The Pelvis!

En fait, au nombre des 100 disques les plus vendus en Occident dans les années 50, une dizaine d'albums - oui, 10%! - sont des disques de Noël, dont Merry Christmas de Johnny Mathis (5e rang) et Merry Christmas (original, ce titre...) de Bing Crosby (31e rang).

Ce phénomène s'est essoufflé à la fin des années 60. Mais l'association «musique de Noël/années 50 et 60» est telle que Denis Pantis, des disques Mérite, lance cette année près de 40 albums de Noël enregistrés à l'époque par Renée Martel, Chantal Pary, Michèle Richard, mais aussi par les soeurs Dessureault, Larry Robichaud, Johnny Farago, Marie King, Claude Valade, etc. Et n'allons pas oublier les compilations Noël country (en trois volumes), Noël hawaïen ou les 23 chansons de la compil Les groupes des années 60 chantent Noël.

«Il faut réaliser que, dans les années 50 et 60, les gens allaient encore à l'église, vivaient plus à la campagne et que l'hiver était long pour les jeunes: il n'y avait pas de jeux vidéos à l'époque, explique Denis Pantis en riant. Noël était donc une situation plus intime, plus familiale et aussi une occasion de rencontre sociale en plein milieu de l'hiver. C'est pour cela qu'il y a eu tant de disques et surtout de chansons de Noël enregistrés à ce moment-là.»

Car plusieurs des albums que viennent de lancer les disques Mérite n'existaient pas comme tels: «J'avais à l'époque enregistré quatre chansons de Noël avec Anne Renée, explique celui qui fut longtemps producteur. Quand Mérite a racheté les catalogues d'autres compagnies de disques, j'ai remarqué qu'Anne en avait enregistré d'autres. On a donc toutes réunies toutes ses chansons sur un seul album!» C'est en quelque sorte le premier disque de Noël d'Anne Renée, qui a abandonné la carrière de chanteuse au début des années 80!

«Le défi, c'est que ce sont toujours les 30 ou 40 mêmes chansons de Noël qui sont enregistrées, encore aujourd'hui, reprend Denis Pantis. Dans nos catalogues seulement, on a 46 versions différentes de Noël blanc et 20 de Petit Papa Noël - et je ne compte pas les versions instrumentales! Ce qui fait la différence, ce sont toujours les arrangements.»

Denis Pantis a donc opté pour la création de compilation faites en fonction d'atmosphères bien précises: «Je dirais qu'on a une compilation par ambiance de Noël possible: si on veut écouter des instrumentaux à l'orgue, il y en a une; si on veut juste des cantiques, il y en a une; si on préfère le genre cocktail lounge ou country ou party ou folklorique, il y en a une»

Soixante des 85 disques de Noël planifiés par les disques Mérite sont déjà sur le marché. Ho, ho, ho.