Discret, pour ne pas dire inexistant le reste de l'année, le dindon réapparaît pourtant au temps des Fêtes pour trôner au coeur du festin de Noël. Pourquoi donc ?

UN OISEAU RARE

Il faut remonter à Christophe Colomb pour comprendre comment cet oiseau sauvage d'Amérique a pu faire son chemin jusqu'à l'Angleterre et à la cour du roi de France, pour ensuite se tailler une place dans nos traditions culinaires. Vers 1500, pensant avoir mis les pieds en Inde, les colons espagnols ramenèrent en mère patrie des « poules d'Inde ». Cet oiseau rare - devenu, par une contraction phonétique, « la dinde » - fut servi pour la première fois en 1549 lors d'un banquet donné en l'honneur de Catherine de Médicis. De fil en aiguille, on commença à faire l'élevage de ce volatile trop lourd pour voler, facile à attraper et généreux en chair. Sa consommation se répandit graduellement en Europe, sans toutefois trouver une place de choix sur les tables françaises.

L'UN PARMI D'AUTRES

En Nouvelle-France, le dindon pouvait faire partie du festin des Fêtes, mais il partageait alors la vedette avec d'autres viandes. « À l'époque, explique l'historien et chef cuisinier Michel Lambert, on abattait les animaux autour de la fête de l'Immaculée Conception, le 8 décembre. On procédait de cette façon pour des raisons pratiques : on pouvait dès lors conserver les aliments par le froid. » La viande était ensuite cuisinée en cretons, pâtés de viande, rôtis et ragoûts qui figuraient évidemment au menu des Fêtes, aux côtés de l'oie farcie et du canard. Ce n'est que vers 1950 que le dindon a détrôné ses compétiteurs pour se dégoter la première place. Pourquoi lui et pas le rôti de porc ou le canard ?

LA « FAUTE » DES VOISINS

La tradition était déjà bien ancrée chez nos voisins du Sud, où l'on servait - et où l'on sert encore - le dindon à l'Action de grâce, qui est la plus grande célébration de l'année. Plusieurs versions du tout premier repas de l'Action de grâce sont débattues, mais retenons les grandes lignes pour mentionner qu'au début du XVIIe siècle, nombre de Britanniques ont fui les persécutions religieuses en Angleterre pour immigrer en Nouvelle-Angleterre. En 1621, on a décrété trois jours pour célébrer les premières récoltes et rendre grâce à la générosité de cette terre d'accueil. Lors d'un banquet entre colons et autochtones, on a servi un festin comprenant, entre autres victuailles, de la dinde. Quand Abraham Lincoln a nationalisé Thanksgiving, en 1863, le dindon faisait déjà partie des coutumes.

ET NOUS, ALORS ?

Nous y arrivons... Les Américains consommaient beaucoup de dinde à l'Action de grâce. Certains Québécois ont flairé l'occasion d'affaires et commencé à en faire l'élevage. Les surplus de la production se sont ainsi retrouvés sur la table des Québécois au temps des Fêtes. Dominion est la première grosse épicerie à avoir vendu de la dinde à prix réduit dans les années 40 et 50. La dinde était moins chère que l'oie ou le canard et parfaite pour les tablées généreuses de l'époque. « Les gens sont passés à la dinde parce que c'était plus économique. Pour une raison de marketing, finalement », résume l'auteur de L'histoire de la cuisine familiale du Québec. Et c'est ainsi qu'on a en partie perdu nos traditions culinaires des Fêtes - le porc, le ragoût, l'oie farcie, le canard et les chapons - pour en créer de nouvelles !

DINDE OU DINDON ?

Selon la classification des viandes qui privilégie le masculin, l'appellation « dindon » sert à désigner toutes les viandes provenant de cette volaille, sans égard au sexe ou à l'âge ! Dinde ou dindon sont donc les mêmes dans votre assiette.

DE BONNES RAISONS DE LE CUISINER À L'ANNÉE

Le dindon a la cote auprès des nutritionnistes, car il est faible en matières grasses et en calories, mais riche en protéines et en nutriments. Il se cuisine comme du poulet et peut donc le remplacer avantageusement dans les recettes qui en contiennent. Les dindons vendus dans nos épiceries sont des produits du Canada et sont élevés sans hormones. Le Québec compte 152 éleveurs de dindon, soit le quart des éleveurs canadiens, et fournit 21,2 % du marché. Il est économique. Profitez des rabais après les Fêtes pour le cuisiner entier, en lanières, effiloché ou en cubes.

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33 % : Pourcentage des ménages canadiens (4,7 millions) qui ont acheté du dindon ou des produits de dindon pour Noël en 2016.

41,7 % : En 2016, 41,7 % des dindons entiers vendus au cours de l'année l'ont été durant Noël et à l'Action de grâce, au Canada.

Chiffres fournis par Les Éleveurs de volailles du Québec