L'un des gâteaux de Noël les plus traditionnels d'Islande au siècle dernier a presque sombré dans l'oubli dans son pays d'origine... alors qu'il suscite les passions, ici, au Canada !

«C'est une véritable obsession dans la communauté islandaise du Canada, confirme Laurie K Bertram, anthropologue et auteure d'un livre sur la culture islandaise en Amérique du Nord dont un chapitre entier porte sur ce dessert. Et c'est très particulier qu'une tradition ait été presque oubliée dans son pays d'origine et soit si vive ici».

Le vínarterta a été importé en Amérique dans la deuxième moitié du XIXe siècle par des immigrants islandais rêvant d'un avenir meilleur ici. Des gens très pauvres, surtout, qui avaient traîné dans leurs valises l'un de leurs biens les plus précieux: la recette de l'un des gâteaux les plus en vogue en Islande à l'époque, la «tarte viennoise», le vínarterta, une élégante pièce étagée de gâteau blanc et de confiture de prune parfumée à la cardamome.

Un dessert servi surtout à Noël, mais aussi dans les mariages et autres événements de grande importance, dont la recette se transmet de mère en fille depuis des générations, faisant l'objet d'intenses débats, jusque dans ses plus subtils détails. «Chacun pense avoir "la vraie" recette à laquelle le moindre changement est controversé, remarque Arden Jackson, une pâtissière de Toronto qui en a fait sa spécialité. J'ai reçu des courriels de personnes outrées par ma recette: il y a ceux qui affirment qu'il faut mettre six couches, d'autres, sept ; certains disent que la cardamome doit être incorporée dans la confiture, mais d'autres, dans le gâteau.» Scandale (!), Mme Jackson, elle, ose mettre de la vanille de Madagascar.

«Les débats concernant la recette de vínarterta témoignent souvent de la volonté de la communauté de préserver la tradition qui a été importée ici», note Laurie K Bertram. Un lien précieux avec la mère patrie, en somme, alors qu'en Islande, on se permet plus de digressions (de la confiture de rhubarbe au lieu de prune, par exemple), quand il n'a pas été tout simplement oublié, supplanté par d'autres desserts plus à la mode. «C'est devenu un marqueur culturel, ici», dit Arden Jackson.

Mais une chose semble faire l'unanimité: en préparer est une marque d'affection importante pour la personne qui le recevra. «Quand votre mère vous prépare un vínarterta, c'est vraiment qu'elle vous aime beaucoup.» «C'est terriblement long à faire, il y a tellement d'étapes !», lance Laurie K Bertram, qui a bien sûr appris la recette de sa mère, mais n'en confectionne finalement que rarement, de son propre aveu.

Arden Jackson, elle, est l'une des rares pâtissières au pays à le commercialiser à longueur d'année. Elle en expédie des provinces maritimes à Vancouver, assurant la survie de la tradition islandaise d'un bout à l'autre du pays.

Où en acheter?

Vinarterta.ca

En ligne, expédition d'un bout à l'autre du pays